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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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l’aimez ?
    — Oui…
    — Alors, je le respecte. Quel qu’il soit.
    Il lui posa un baiser sur les lèvres et dit encore :
    — Je ne souffrirai pas de lui céder ma place dans votre cœur. Je… je crois qu’il en a bien besoin.
    *
    L’homme mince était assis à une table sur laquelle une chandelle achevait de se consumer. Un évêque s’était installé dans le meilleur fauteuil et observait attentivement la domestique qui se tenait debout en face d’eux. L’homme mince dit à l’ecclésiastique :
    — Souvenez-vous de ce qu’a dit hier le roi en pleine réunion du conseil. Il a dit : « Cet homme-là a l’étoffe d’un chancelier. » Nous n’avons plus le choix. Il nous faut agir.
    Il poursuivit en s’adressant à la servante.
    — Je compte sur toi. La façon dont tu t’y prendras ne me concerne en rien, en autant que tu aies soin d’éviter la violence. Fais seulement en sorte que cet être méprisable tombe en disgrâce sans compromettre notre hôtesse. Les ordres m’en viennent directement d’Olite.
    — Je pense savoir ce qu’il faut faire, dit la femme en souriant. Il n’aura pas du tout mal, bien au contraire. Et elle non plus.
    L’évêque se racla la gorge. Le dessus de son crâne dénudé rougit.
    — Que le Tout-Puissant vous pardonne cette indécence, dit-il.
    — Je conçois que cela vous choque, monseigneur. Mais nous autres, femmes, savons toutes que la vraie politique ne se fait point autour de la table du conseil, mais plutôt dans l’intimité de l’alcôve.
    — J’ai ouï dire que cet individu possède la grâce d’être insensible aux plaisirs de la chair, dit l’homme d’Église.
    — Aucun homme ne peut être complètement insensible. En tout cas, c’est ce que nous allons bientôt avoir l’occasion de découvrir.
    La servante de Louis fit entrer Isabeau. La dame laissa la domestique sortir et fermer la porte derrière elle. Elle était seule avec le bourreau dans la chambre impeccable où ne traînait aucun effet personnel. Elle s’avança sans bruit.
    C’était elle, Desdémone, qui lui était arrivée avec la meilleure idée. Le plan était si simple qu’Isabeau s’en était voulu de ne pas y avoir songé elle-même. Car Louis avait systématiquement repoussé chacune de ses avances. Sans se montrer grossier ni désagréable, il avait tâché de toutes les manières possibles de lui faire comprendre qu’une relation avec lui n’était pas convenable et qu’il n’était amoureux ni d’elle ni de personne. Il avait fermement refusé le moindre contact physique, ne fût-ce qu’un effleurement et, depuis un mois, il esquivait toute rencontre avec l’adresse d’un chat.
    Baillehache était assis dans l’un des faudesteuils* qui avait été déplacé de façon à faire face à l’âtre. Elle put le voir de profil. Il avait la tête légèrement inclinée de côté et semblait absorbé dans sa contemplation des flammes. Un instant, elle fut tentée d’oublier ce qu’elle venait faire.
    Elle lui fit face sans prononcer un mot. Il ne bougea pas. Les flammes se reflétaient dans ses prunelles sombres à demi cachées par les paupières qui n’étaient pas tout à fait closes. Le regard de Louis était anormalement fixe. Mais on eût dit qu’il suivait Isabeau dans ses légers déplacements qui faisaient à peine froufrouter sa longue robe. Pourtant les yeux ne cillaient pas : il semblait mort.
    Saisie d’angoisse, Isabeau se pencha précautionneusement au-dessus de lui. La poitrine de Louis semblait se soulever et s’abaisser doucement ; peut-être cela n’était-il qu’un effet de la lueur dansante des flammes.
    Elle avança une main hésitante. On eût dit qu’elle s’apprêtait à caresser le visage d’un gisant. Ce fut d’ailleurs l’effet qu’elle ressentit lorsque sa main frôla une joue qui avait la dureté du bois.
    Le bourreau sursauta. Il cligna des yeux et son regard, soudain, redevint vivant, braqué sur elle. En un éclair, il avait empoigné la main de la femme tandis que le fil de sa dague se posait sur la gorge involontairement offerte, prêt à sectionner la jugulaire.
    — Vous ! dit-il.
    L’expression de Louis, qui achevait de se réveiller tout à fait, montrait une surprise contrariée.
    — Pardonnez-moi cette intrusion, maître, dit-elle d’une voix rendue chevrotante par la peur et par le contact froid de l’acier contre sa peau.
    Il lui eût été difficile d’oublier qu’elle rendait visite

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