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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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morceau de moelle avec la pâte et fait frire le tout dans du saindoux très chaud pour empêcher le gras de la moelle de fuir. Elle avait consacré une partie de la journée à l’élaboration de ces mets (22) , tout en réfléchissant à la vengeance qu’elle s’apprêtait à assouvir. Louis allait payer pour l’amour qu’il lui refusait depuis toujours.
    — Vous m’avez un peu prise au dépourvu en acceptant mon invitation, et j’ai fait préparer quelque chose de rapide aux cuisines, dit Isabeau avec insouciance.
    Tendres à point, les beignets bombaient leur croûte dorée. Desdémone versa sur les tranches de venaison une onctueuse sauce jaune piquetée de poivre noir qui était faite à partir de moutarde verjutée.
    Les appartements d’Isabeau étaient plus spacieux que les siens. Elle les avait décorés avec un goût exquis. Elle veillait à ce que le ménage y fût soigneusement fait chaque jour et il ne lui avait pas été très ardu de veiller à la préparation de ce repas soigneusement planifié.
    — Oh, j’oubliais. J’ai prévu un cruchon de vin blanc, Desdémone.
    Louis porta une tranche roulée à ses lèvres. La première bouchée ne le fit presque pas réagir et il continua poliment à manger. Isabeau dit :
    — Hum, ce plat n’est pas réussi. C’est vraiment trop salé, ne trouvez-vous pas ?
    — Ça va. Merci, répondit Louis après avoir dégluti.
    Ils mangèrent en silence. Peu à peu, le plat se dégarnit. Louis se raclait la gorge de plus en plus souvent, essayant de se faire discret.
    — Avez-vous revu mon neveu dernièrement ?
    — Non.
    — Moi non plus. Je me demande ce qu’il fait. J’espère qu’il ne s’est pas mis en tête de continuer ses activités douteuses après avoir vu ce vers quoi les soupçons du roi risquent de le mener.
    — Il y en a qui n’apprennent jamais.
    — C’est, hélas, la triste réalité.
    Le silence retomba. Louis n’était pas de ceux qui s’efforcent d’entretenir une conversation ; il ne parlait que si on s’adressait à lui. Isabeau dit :
    — Maintenant que nous sommes entre nous, dites-moi : est-ce vrai, tout ce qu’on raconte à votre sujet ?
    Louis leva les yeux vers elle.
    — Est-il vrai, par exemple, que vous vous alimentez de chair humaine ?
    Elle croisa les bras et se les frotta comme si elle avait froid. Il prit le temps de réfléchir à ce qu’il devait répondre et vit que le mieux, comme toujours, était de donner à une vérité un aspect suffisamment flou pour entretenir l’image :
    — Ça m’est arrivé.
    Une seule fois alors qu’il mourait de faim. Mais cela, elle n’avait nul besoin de le savoir. Isabeau n’était pas seule passée maître dans l’art de biaiser.
    — Oh… quelle horreur ! Comment avez-vous pu ?
    — Ne me demandez pas cela à moi.
    — C’est vrai, dit-elle précipitamment, empressée de se reprendre pour ne pas lui déplaire. Vous avez raison. Je n’aurais pas dû vous parler de ça.
    Louis but un peu de vin et la regarda faire. Le sujet abordé, au contraire, l’amusait beaucoup sans que rien n’y parût. Qu’au moins tous ces mauvais souvenirs servent à quelque chose.
    Isabeau dit enfin, un maigre sourire aux lèvres :
    — Par contre, j’ai aussi entendu dire que vous protestez fréquemment contre la présence d’enfants lors d’exécutions.
    Il fit un signe d’assentiment.
    — Pourquoi ?
    Cette idée à elle seule la réconciliait avec le reste, aussi horrible que ce fût, car cela prouvait que cet homme avait malgré tout le cœur à la bonne place. Mais Louis se contenta de regarder ailleurs en se raclant la gorge. Isabeau dit :
    — Décidément, ce repas me donne soif. Désireriez-vous un peu de jus de fruits à l’eau-de-vie de mirabelles (23)  ?
    — S’il vous plaît.
    Elle agita une clochette et communiqua sa requête à la servante nerveuse qui revint presque aussitôt avec une aiguière sur un plateau. Elle posa le tout sur la table en compagnie de deux coupes assorties. Louis se sentit désaltéré à la seule vue du breuvage que la domestique leur versait. Elle dut d’ailleurs resservir le visiteur presque immédiatement.
    — Le sel était plutôt bien représenté ce soir, n’est-ce pas ? dit Isabeau tandis que Louis vidait sa seconde coupe.
    — Veux-tu bien me dire ce que tu fais là ?
    Louis leva sur Isabeau un regard humide et interrogateur.
    — Ce que je fais ? demanda-t-il.
    Et à nouveau une sorte de

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