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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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à un tueur professionnel. Le bras de l’homme ne s’abaissa pas et il la maintint fermement dans sa position inconfortable, penchée au-dessus de lui. Elle dit encore, en tentant de lui offrir son sourire le plus séduisant :
    — Que craignez-vous donc d’une faible femme comme moi ?
    — La crainte n’a rien à y voir. On ne surprend pas ainsi les gens dans leur sommeil.
    Louis retira son arme et se leva lentement. Isabeau dit :
    — Ainsi vous dormiez ? Cela signifie que ce que l’on raconte est vrai.
    — Quoi donc ?
    — Vous dormez les yeux ouverts.
    Le médecin juif de Jean de Picquigny lui avait déjà fait part de ce constat après Poitiers.
    — Je le sais.
    — Alors, vous m’avez vue.
    — Oui, mentit-il.
    Par habitude, Louis contribuait à entretenir certaines fables à son sujet. Cela pouvait toujours être utile. Il dit :
    — J’ai pourtant ordonné à ma servante de ne laisser entrer personne. Je lui ferai tâter de ma canne.
    — Non, je vous en prie, Louis, ne faites pas ça. Ce n’est pas sa faute. J’ai beaucoup insisté pour vous voir et elle n’a pas pu me refuser.
    — Bon. Eh bien, que me voulez-vous ?
    Louis prit dans sa poche un mouchoir de lin propre qu’il lui tendit. La dame fit un pas en arrière. Il dit rudement, en secouant le mouchoir :
    — Allez, prenez. Je vous ai un peu égratignée.
    — Oh, fit-elle, et elle accepta le mouchoir dont elle s’épongea la gorge.
    Elle regarda la petite tache rouge dans le tissu et tenta de reprendre contenance.
    — Merci. Voici : je désirais tout simplement vous convier à un petit souper en tête à tête. Non, rassurez-vous, il n’y a derrière cela aucune tentative pour vous faire changer d’avis sur… sur ce que vous savez. Permettez-moi de vous inviter en ami.
    Louis l’observait attentivement. Ses paroles s’accompagnaient d’une gestuelle vive et nerveuse qui était en total désaccord avec sa vraie nature. Une analyse plus poussée révélait des indices sur ce que dissimulait la façade toujours soigneusement entretenue que cette femme du monde affichait en société : ses yeux papillonnaient avec une fébrilité inquiète, elle ne cherchait ses mots qu’en sa présence à lui et elle ne cessait de triturer la dentelle vaporeuse qui ornait son corsage, tandis que le reste de son corps était contraint à une immobilité voulant faire croire au plus grand calme.
    Malgré tout cela, il ne savait que faire. Un refus risquait d’offenser ses hôtes. D’autant plus que Charles, non content de lui prodiguer sans cesse toutes sortes de largesses, l’avait laissé profiter depuis les joutes d’une liberté presque totale. Louis n’avait jamais abusé ni des unes ni de l’autre, et cela en intriguait plus d’un à la Cour, dont le roi lui-même.
    — Allez-y. Je vous rejoins, dit-il enfin.
    — Avec une prise telle que moi à votre hameçon, je n’en doute pas un seul instant. Mais nous pouvons nous y rendre ensemble.
    — C’est inutile. Je n’ai aucune envie de veiller à votre place sur votre réputation.
    Il l’escorta jusqu’à la porte sans porter la main sur elle. Isabeau ne résista pas. Une fois le seuil franchi, elle se retourna pour faire face à l’homme. Mais la porte lui claqua au nez.
    « Il ne perd rien pour attendre, l’animal ! » se dit-elle.
    *
    Desdémone disposa en forme de fleur une douzaine de petites tranches de venaison tendre apprêtées à la cantharide. Cela compléta la préparation d’un plat qui fut présenté aux tourtereaux. Elle avait cuisiné des beignets à la moelle qui avaient exigé une assez longue préparation : de petits tronçons d’os de bœuf avaient été pochés dans le bouillon jusqu’à ce que la moelle fût suffisamment ramollie pour être extraite avec un couteau à lame très fine ; la moelle avait été immergée dans l’eau glacée et les morceaux plus gros avaient dû être hachés avant d’être de nouveau brièvement pochés dans le bouillon à l’aide d’une écumoire ; pendant qu’ils avaient été mis à refroidir, Desdémone avait façonné une pâte épaisse avec de la farine, du sel, des jaunes d’œufs et de l’eau ; elle avait assaisonné le mélange de moelle, qui gagnait à être bien relevé, avec les inséparables cannelle, clou de girofle, gingembre et muscade, auxquels était venue s’ajouter de la maniguette, c’est-à-dire la graine du paradis ; la servante avait patiemment enrobé chaque

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