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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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est favorable à la vie. Les deux sont profondément liées à la condition humaine.
    — Là, je ne vous suis plus du tout et je crois que la bière ne me servira à rien, dit Aedan en regardant le contenu de son gobelet d’un air soupçonneux. Mais, bon, j’en boirai quand même.
    — C’est que j’essaie moi aussi de comprendre, dit Lionel. Voyons un peu.
    — Vous dites que, si ce Baillehache est réellement un monstre, c’est parce que sa cruauté s’est développée à cause…
    — … de l’absence des conditions qui auraient permis à l’amour et à la compassion de se manifester. Nous pouvons qualifier le méchant maître Baillehache de vicieux tant qu’il nous plaira, car, en effet, la méchanceté est un vice. Mais, chers amis, il n’en reste pas moins un homme. Il n’est pas un monstre et n’a pas non plus régressé à l’état de bête si ce n’est au sens strictement allégorique du terme. Il n’est pas motivé par des instincts animaux ; les animaux ne possèdent aucune malice en tant que telle. Ils ne tuent que pour vivre.
    — Lui aussi, il tue pour vivre, dit Hubert. Même qu’on le paie pour cela.
    — C’est vrai, mais ne nous égarons pas. Ce à quoi je veux en venir, c’est qu’il nous est trop facile de conclure que le maître a échoué, qu’il n’a pas réussi à devenir ce qu’il aurait pu ou dû être. S’il se comportait comme un saint, Dieu me pardonne, croiriez-vous en sa sainteté ? Moi, non. Elle aurait été en total désaccord avec les possibilités de son existence. À sa naissance, une plante possède autant de chances d’être étouffée et privée de soleil que de s’élever vers la lumière ; tout dépend des conditions favorables ou défavorables qui président à sa croissance.
    — Je pense que je suis déjà saoul et je n’ai même pas bu deux gorgées de cette satanée bière. Oups ! pardon, mon père !
    — Ce n’est rien. Je sais très bien que ce que je dis là vous semble très aride, car ce ne sont que des abstractions. Moi-même j’y ai mûrement réfléchi et je ne suis pas encore certain de pouvoir m’y retrouver. C’est pourquoi je vous demande votre aide.
    Blandine, pour agacer le moine, lui servit un gobelet de bière. Tout le monde s’esclaffa.
    — Un peu d’eau, je te prie, ma fille. Mets-y un peu d’eau et je la boirai volontiers, dit le religieux qui, soudain, redevint pensif :
    — On ne cesse de mettre nos malheurs sur le compte de la fatalité ; qu’il est périlleux de chercher à modifier la destinée d’un homme, car c’est présomption de vouloir assumer un rôle qui appartient au Tout-Puissant. Ah, cette dérisoire argile blessée qu’est l’humanité mortelle ! Je n’arrive pas à me mettre dans la tête que l’homme doit tout subir passivement, qu’il n’est que le jouet des circonstances. Non. Je suis persuadé que Dieu a prévu pour Ses enfants de bien plus grandes choses. La raison et la volonté de l’homme sont des instruments puissants qui ont été mis dans sa main bien avant les premiers couteaux taillés dans la pierre. L’histoire ne fait pas l’homme… Seigneur Dieu, il ne le faut pas !
    Sinon, que subsistera-t-il de nous dans la mémoire de notre descendance ? Non, l’homme se crée lui-même et l’histoire lui sert de matériau.
    — Buvez, mon père, buvez, dit Blandine, qui ne pouvait s’empêcher de délaisser ses corvées pour écouter, comme tous les autres d’ailleurs.
    Ils n’auraient jamais cru qu’un discours aussi théorique puisse s’avérer aussi passionnant. Lionel disait :
    — Je déteste la pensée dogmatique. Elle n’est que le résultat d’une paresse de l’esprit et du cœur. Elle remplace une chaleureuse spontanéité par des schémas simplistes qui finissent par perdre le peu de sens qu’ils avaient au départ à force d’être répétés. Ils empêchent toute véritable compréhension.
    — Holà ! ça sent le soufre, tout cela. Il me semble qu’il y a là-dedans des ferments d’hérésie, dit Aedan.
    — Ouais, prenez garde, mon père, que vos paroles ne tombent pas dans l’oreille de notre bourrel*, dit Blandine. Il aurait vite fait de vous monter un bûcher dans la cour.
    — Vous avez raison. Revenons-en donc à lui, justement. Je crois le moment venu de mettre mes idées à l’épreuve. Pour cela, j’aurai besoin de votre aide. Il est de ces gens qui sauront aimer le maître Baillehache en dépit et peut-être même à

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