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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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cause de ses tares héritées de Caïn. Jehanne est de ceux-là dont l’amour transcende le mal. Un homme déjà guilleret n’a que faire de son amour, et l’insouciant n’en remarquera rien. Voici ce que j’étais venu vous dire.
    L’aumônier sursauta légèrement lorsqu’une part de tourte lui glissa sous le nez.
    — Oh… grand merci. Je disais donc que le maître Baillehache n’a qu’un seul réel besoin : celui de savoir qu’on peut ressentir pour lui de la compassion, je dirais même, de la passion.
    — De la compassion et de l’amour ? Et puis quoi encore ? s’indigna Aedan.
    — Je veux bien croire que Jésus nous a demandé d’aimer nos ennemis, mais tout de même, on ne peut pas tous être bons comme Jésus, rajouta Hubert.
    — Attendez. Comprenez-moi bien, dit Lionel qui avala un peu trop vite une bouchée de tourte dont la garniture collante nuisait à la conversation. Il s’éclaircit la gorge avec un peu de bière et expliqua :
    — De par sa nature, compassio, c’est-à-dire la compassion, gravite autour de son objet, tandis que passio, soit la passion dans le sens de « souffrance » mais aussi de grand amour, se conforme à son objet pour ensuite s’y fondre. C’est là l’offrande ultime. Rares sont ceux qui aiment en suffisance pour pouvoir la faire. Cela, je ne l’exige pas de vous. Tout ce que je vous demande, c’est un brin de compassio pour lui.
    — Et comment va-t-on s’y prendre pour montrer de la compassion à ce roncier humain ? demanda Aedan avec rudesse. Hum ! Pouvez-vous nous le dire ? En lui faisant des ronds de jambe ?
    Le père Lionel sourit et répondit, comme si c’était la chose la plus évidente du monde :
    — Mais, voyons, vous n’avez qu’à suivre l’exemple de Jehanne. Ne dit-on pas que « la puissance de l’amour transforme celui qui aime en l’image de celui qui est aimé (43)  » ? Je crois que cette formule s’applique aussi à l’inverse.
    *
    Hiscoutine, veille de Noël 1359
    Sam fonça presque dans les jambes de Louis qui s’écarta à temps. Le gamin couvert de neige marmonna quelques excuses avant d’être intercepté par son grand-père dans la pièce à vivre qui avait été joliment décorée pour la fête. Aedan l’obligea à faire demi-tour jusqu’au seuil d’où Louis les observait. Il tirait son petit-fils par l’oreille.
    — Quand vas-tu donc apprendre que l’on n’entre plus ici comme dans un moulin ? Hum… À propos de moulin. Excusez-le, maître. Ce n’est qu’un petit vaurien.
    — J’ai faim ! Je voulais voir le banquet, protesta Sam.
    — Le « banquet », comme tu dis, n’est pas encore prêt. Allez, retourne dehors, filou. Tu viendras manger lorsqu’on t’appellera.
    L’enfant boudeur alla s’écraser dans une congère en attendant l’une des rares activités qui auraient pu le distraire de son ennui, et surtout de ses noirs desseins. En effet, s’il avait bien eu l’intention de grappiller un peu, l’objectif réel qu’il s’était fixé de gâcher les fiançailles, qu’on avait fait coïncider avec la fête de Noël, avait occupé son esprit davantage que son estomac.
    Lorsque Margot, fidèle à son habitude, ouvrit les volets de la cuisine et s’en retourna en se dandinant dans la grande pièce, il fut enfin en mesure de mettre une partie de son plan à exécution. Il se coula discrètement jusqu’à la fenêtre béante et fouilla sous son manteau où il repêcha avec prudence un chat tigré adolescent, tout confus, qu’il relâcha dans la maison. Il s’enfuit jusqu’à la tour et revint avec un second chat, entièrement jaune, celui-là. Il refit le même manège sept fois. Aucun des sept intrus ne fut contraint à coups de balai de prendre la porte dans les minutes qui suivirent. Cela signifiait donc qu’ils n’avaient pas été débusqués. Le gamin avait au moins une autre raison d’être ravi : Louis n’était en vue nulle part dans la maison. C’était là une bonne chose, car la petite plaisanterie qu’il avait préparée risquait autrement de lui coûter fort cher. Une fois assuré que la voie était libre, il lâcha un gros pigeon dans la maison et courut se cacher.
    La pagaille qui s’ensuivit fut telle qu’il n’eut aucun besoin de quitter sa cachette pour profiter du spectacle. Margot et Blandine hurlaient de terreur et d’indignation, des chats pris dans leurs jupes, un autre planté devant la fenêtre ouverte, alors que le volatile

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