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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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me touches. Plus jamais.
    — Sam, écoute…
    La fillette avait les larmes aux yeux. Sam aussi. Il cria :
    — Écouter quoi ? Je le déteste. Lui, il est venu après moi. C’est moi, ton mari. J’étais là avant. J’appartiens ici.
    La discipline requise par l’usage d’une langue seconde est l’une des premières choses que l’on égare lorsque l’émotion prend le dessus sur la raison. Jehanne dit :
    — S’il te plaît, arrête et écoute-moi un peu. Le père Lionel te demande. Il veut te parler, à toi aussi.
    — Ouais ? Ben moi, je n’ai envie de parler à personne. Salut.
    Il s’en alla à grands pas vers la porte sans accorder d’attention au chat jaune qui le suivait allègrement dans l’espoir d’être réintroduit dans la cuisine.
    *
    Les chagrins des Fêtes sont d’une nature bien à eux. Ils sont des intrus qui, non contents de déranger une ambiance festive souvent fragile, s’invitent à passer quelques nuits dans la pièce à vivre sans demander l’avis des habitants. Pour la première fois de sa vie, Jehanne eut à faire connaissance avec un tel chagrin. Sam ne comprenait pas. Cela n’avait rien d’étonnant. Le père Lionel avait beau l’en avoir prévenue, c’était quand même pénible à supporter.
    Jehanne n’avait pas su comment faire comprendre au garçon qu’il y avait là bien davantage qu’un mariage forcé. Oui, elle aimait Louis. Mais c’était d’un amour étrange, différent, que sans doute nul n’eût compris, pas même le moine érudit. Louis était à la fois son orphelin et une sorte d’autocrate inaccessible. Par conséquent, l’affection qu’elle lui vouait se constituait d’un curieux mélange d’empathie, d’amour filial – ce qui était d’autant plus paradoxal qu’il était éprouvé par un orphelin à l’égard d’un autre – et de cette vénération candide de l’enfance que seul un être parfait mérite, mais que seuls ont le bonheur de recevoir quelques êtres imparfaits.
    — Comment faire pour lui montrer la Noël ? avait demandé la fillette à Margot.
    Dans l’esprit de Jehanne, il était inconcevable qu’un homme tel que Louis ait pu déjà vivre un vrai Noël. Tous auraient été surpris d’apprendre qu’elle avait raison.
    La maisonnée s’apprêtait pour des célébrations qui allaient s’étendre jusqu’aux Rois, l’Épiphanie étant aussi un jour férié. En tout, douze jours de festivités. Le 1 er janvier, quant à lui, n’était pas le Jour de l’An, mais la quête de l’aguilaneuf*.
    Le clou de la fête allait sans contredit être le réveillon de Noël ainsi que les jeux qui allaient le suivre. On débutait avec la messe ardente*, à laquelle ils se rendraient à pied. Ensuite, les festivités allaient être ponctuées par une seconde messe, à l’aurore, puis par une troisième au cours du jour même de Noël.
    — Eh bien, nous pouvons toujours commencer par lui expliquer pour la bûche, avait répondu la gouvernante.
    Il s’agissait d’une tradition dont l’usage devait remonter à la nuit des temps, et que le christianisme avait reprise comme il l’avait fait pour nombre d’autres vieilles pratiques païennes. Ainsi, Margot s’était vue chargée de justifier au futur fiancé, qui n’entendit sans doute rien, l’absence de Blandine à l’église du village, en cette veille de Noël : la petite cuisinière était demeurée au domaine afin de surveiller l’âtre qui ne devait pas s’éteindre sous peine de catastrophes pour l’année à venir. Blandine allait devoir s’occuper du feu à la main, sans avoir recours aux habituels instruments de fer. Les cendres de ce feu allaient ensuite être précieusement conservées. Elles allaient les protéger tous de l’orage et de la maladie en plus de fertiliser la terre.
    Tandis que l’église se remplissait, Louis poussa un soupir nerveux et, pour la première fois, alla occuper la place de l’ancien baron. Les deux cathèdres* installées à l’avant n’avaient presque jamais servi. Il appuya sa canne rouge contre le côté du siège sculpté et croisa les mains sur ses genoux. Il jeta un coup d’œil furtif à la cathèdre* voisine qui était accolée à la sienne. Elle était encore vide. C’était une copie à l’identique de son siège, exception faite du dossier qui était moins haut et moins orné. Ces fauteuils avaient l’air prétentieux. Leur présence détonnait dans la modeste église de village.
    Louis ne

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