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Le médecin d'Ispahan

Le médecin d'Ispahan

Titel: Le médecin d'Ispahan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Noah Gordon
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de vaines paroles, mais un vœu solennel.
     
    Deux nuits
plus tard, Rob était de garde. Ils campaient dans un défilé où les rochers
indistincts semblaient des monstres sous la lune. Ce fut une longue nuit
solitaire où revinrent les tristes pensées qu'il repoussait d'habitude :
ses frères, sa sœur, et ceux qui étaient morts. La femme, surtout, qu'il avait
laissée filer entre ses doigts.
    Au petit jour,
il s'aperçut que quelqu'un se levait et se préparait à partir. Karim Harun se
glissait hors du campement ; arrivé au chemin, il se mit à courir et
disparut. Il n'avait rien emporté et n'était pas de garde ; Rob ne fit
donc rien pour l'arrêter, mais sa déception fut amère car il s'était mis à
aimer ce beau garçon sardonique, qui étudiait depuis tant d'années. Une heure
plus tard, il tira son épée, alerté par un bruit de pas. C'était Karim,
haletant et trempé de sueur, qui resta bouche bée devant sa lame nue.
    « J'ai
cru que tu partais. Je t'ai vu courir.
    – C'est
vrai... Je partais en courant et je reviens en courant. Parce que je suis un
coureur ! » dit-il en souriant tandis que Rob rengainait son épée.
     
    Karim courait
en effet tous les matins et revenait en sueur. Abbas Sefi racontait des
histoires drôles, chantait des chansons gaillardes et c'était un imitateur
impitoyable. Hakim Fadil battait tout le monde à la lutte, sauf Rob et Karim.
Mirdin, le meilleur cuisinier du groupe, se chargeait volontiers des repas du
soir. Le jeune Ali, qui avait du sang bédouin, était un cavalier éblouissant et
un éclaireur enthousiaste ; l'ardeur, dans ses yeux, remplaça bientôt les
larmes et le fit aimer de chacun. Cette camaraderie aurait rendu plutôt
plaisante la longue chevauchée si Fadil n'avait lu chaque soir à haute voix le livre
de la peste qu'Ibn Sina lui avait confié.
    On y trouvait
des centaines de suggestions de divers praticiens, tous persuadés de leur
compétence. L'un prescrivait, au Caire, de faire boire au malade sa propre
urine, tout en récitant des prières à Allah. A Bagdad, un autre conseillait de
sucer des astringents, grenade ou prune. A Jérusalem, on recommandait les
lentilles, les pois indiens, les graines de citrouille, l'argile rouge... Que
faire de ce fatras ? On décida de s'en tenir aux conseils que le maître
lui-même avait ajoutés en annexe : allumer des feux propres à purifier
l'atmosphère, lessiver les murs à la chaux, répandre du vinaigre et faire boire
aux contaminés des jus de fruits.
    Lors d'une
halte le huitième jour, un passage du livre leur apprit qu'au Caire, quatre sur
cinq des médecins traitants étaient morts de la peste noire. Etait-ce là ce qui
les attendait ? Le lendemain matin, ils arrivèrent à Nardiz, le premier
village du district d'Anshan. On les reçut avec respect, comme les envoyés
d'Ispahan, chargés par le chah de leur venir en aide.
    « Nous
n'avons pas d'épidémie, dit le Chef local, mais il paraît que Chiraz est
durement touché. »
    Poursuivant
leur voyage non sans appréhension, ils ne rencontrèrent, village après village,
que des gens bien portants. Dans une vallée de montagne balayée par les vents,
ils admirèrent les sépultures, creusées dans le roc, de quatre générations de
souverains perses : Darius le Grand, Xerxès, Artaxerxès et Darius II
reposaient là depuis quinze cents ans, en dépit des guerres, des pestes et des
conquêtes qui étaient passées et retournées au néant. Plus loin, un champ de
ruines, de colonnes brisées et de pierres éparses : tout ce qui restait de
Persépolis, dit Karim, détruite par Alexandre le Grand neuf cents ans avant la
naissance du Prophète.
    Non loin de
là, une ferme apparemment paisible, et le bêlement de quelques moutons, qui
paissaient sous la surveillance d'un berger assis au pied d'un arbre. Mais, en
s'approchant, ils virent que l'homme était mort. Fadil restant en selle sans un
geste, Rob mit pied à terre pour examiner le cadavre : il était bleu,
rigide, depuis trop longtemps déjà pour qu'on puisse lui fermer les yeux ;
un animal avait attaqué les jambes et dévoré la main droite. Le devant de la
tunique était noir de sang. Sous le vêtement, pas de trace de peste mais une
large blessure à la place du cœur.
    « Allons
voir », dit Rob.
    La maison
était vide ; dans un champ, les restes de plusieurs centaines de moutons
avaient été nettoyés par les loups. La terre piétinée disait clairement qu'une
armée

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