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Le médecin d'Ispahan

Le médecin d'Ispahan

Titel: Le médecin d'Ispahan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Noah Gordon
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était passée par là, pour abattre les bêtes et emporter la viande.
    Fadil, le
regard vide, restait sans réaction. Rob coucha le cadavre du berger ; on
le recouvrit de grosses pierres pour le protéger des animaux errants, puis on
se remit en marche.
    Apercevant
enfin une grande propriété, une superbe demeure entourée de cultures, tous
descendirent de cheval, bien que l'endroit parût désert. Karim dut frapper fort
et longtemps avant de voir un judas s'ouvrir, au centre de la porte, sur un œil
méfiant.
    « Allez-vous-en !
    – Nous sommes
une équipe médicale d'Ispahan en route pour Chiraz.
    – Je suis le
marchand Ishmael et je peux vous dire qu'il ne reste pas grand monde à Chiraz.
Une armée de Turcs seldjoukides a investi la région, voici sept semaines. La
plupart d'entre nous avaient déjà fui pour mettre les femmes, les enfants et
les bêtes à l'abri dans Chiraz, mais les Seldjoukides nous on assiégés. La
peste noire s'est déclarée parmi eux et ils ont dû abandonner au bout de
quelques jours. Malheureusement, avant de partir, ils ont jeté deux cadavres de
pestiférés par-dessus nos murailles, avec leur catapulte. En pleine ville
surpeuplée ! Quand nous avons pu nous en débarrasser et les brûler hors
les murs, il était trop tard : la peste noire était là. »
    Alors, hakim
Fadil retrouva la parole :
    « C'est
une épidémie grave ?
    – Pire que
vous ne pouvez l'imaginer, répondit la voix derrière la porte. Quelques-uns
semblent immunisés contre le fléau, comme moi, Allah en soit béni ! Mais
il ne reste plus guère dans la cité que des morts et des mourants.
    – Que sont
devenus les médecins ? demanda Rob.
    – Il y avait
deux barbiers-chirurgiens et quatre médecins. Tous les autres charlatans
s'étaient enfuis dès le départ des Seldjoukides. Les deux barbiers et deux des
médecins ont travaillé jusqu'au bout au milieu des malades, mais ils sont morts
très vite. Quand j'ai quitté la ville, il y a deux jours, le troisième était
atteint ; il n'en restait plus qu'un pour soigner les pestiférés.
    – On a donc
grand besoin de nous là-bas, dit Karim.
    – J'ai une
maison propre et spacieuse, pleine de réserves : nourriture et vin,
vinaigre, chaux et chanvre indien pour écarter la contagion. Je vous ouvre
cette demeure en échange de votre protection de guérisseurs. Quand l'épidémie
sera passée, nous rentrerons à Chiraz, dans notre intérêt à tous. Qui veut
partager ma sécurité ? »
    Il y eut un
silence.
    « Moi,
dit Fadil, d'une voix rauque.
    – Tu ne peux
pas faire ça, hakim », s'écria Rob.
    Karim
insista :
    « Tu es
notre chef et notre seul médecin. »
    Mais Fadil
n'écoutait plus rien.
    « Je
viens, dit-il.
    – Moi
aussi », dit Abbas Sefi.
    Ils
entendirent le bruit d'une lourde barre qu'on tirait lentement, et aperçurent
un homme pâle et barbu derrière la porte entrouverte où se glissèrent les deux
jeunes gens. Aussitôt tout se referma avec fracas.
    « Ils ont
peut-être raison », murmura Karim.
    Mirdin,
visiblement troublé, ne dit rien et le jeune Ali se retint de pleurer. Ils
semblaient tous à la dérive.
    «  Le
Livre de la peste  ! » hurla Rob tout à coup, se rappelant que
Fadil le portait toujours sur lui. Il se mit à marteler la porte à coups
redoublés.
    « Va-t'en !
dit Fadil, d'une voix qu'on sentait terrifiée à l'idée d'ouvrir et d'affronter
les autres, sans doute.
    – Ecoute-moi,
salaud ! Si tu ne nous rends pas le livre d'Ibn Sina, on va entasser du
bois et des broussailles contre les murs de cette maison et je serai ravi d'y
mettre le feu, faux médecin ! »
    La barre fut
bientôt tirée, la porte entrebâillée et le livre jeté à leurs pieds, dans la
poussière. Rob le ramassa puis remonta en selle. Il maîtrisait d'autant moins
sa colère que quelque chose en lui enviait la sécurité de Fadil et d'Abbas Sefi
dans la maison du marchand. Il chevaucha longtemps avant d'oser se retourner.
Mirdin Askari et Karim Harun étaient loin derrière mais ils le suivaient. Le
plus jeune, Ali Rashid, venait le dernier, menant le cheval de Fadil et la mule
d'Abbas.

44. LA PESTE NOIRE

 
    Après une plaine marécageuse, ils franchirent en deux jours les montagnes qui
les séparaient de Chiraz. Ils aperçurent de loin la fumée : on brûlait les
cadavres en dehors dé l'enceinte. Au-dessus du célèbre défilé du Dieu-Très-Haut
tournoyaient des douzaines de grands oiseaux noirs. Pas de doute, le

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