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Le médecin d'Ispahan

Le médecin d'Ispahan

Titel: Le médecin d'Ispahan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Noah Gordon
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mourant. Elle le savait sans doute,
mais elle le regardait comme si, d'un geste, il avait pu guérir son père. Une
odeur fétide flottait dans la pièce.
    « Il a
une dysenterie ? »
    Elle hocha la
tête d'un air las et reprit tout en détail. La fièvre avait commencé des
semaines auparavant, accompagnée de vomissements et d'une douleur atroce au
côté droit de l'abdomen. Puis, la température baissant, il sembla aller mieux,
mais au bout de quelques semaines les symptômes avaient reparu avec une extrême
violence. Il avait le visage pâle et creusé, le regard terne, le pouls à peine
perceptible ; brûlant de fièvre, puis tremblant de froid, il s'épuisait à
la fois de diarrhée et de vomissements.
    « Les
domestiques ont cru que c'était la peste et ils ont fui. »
    Ce n'était pas
la peste, Rob connaissait ce mal dont il avait vu mourir le petit Bilal.
    « C'est
une affection du gros intestin, qu'on appelle parfois le mal de côté. Les
entrailles se nouent-elles, ou sont-elles obstruées ? L'empoisonnement
part du ventre et se répand dans tout le corps. »
    Leur ignorance
les désespérait. Ils essayaient tout : les lavements de thé à la camomille
et au lait, la rhubarbe et les sels, les compresses chaudes, mais tout était
inutile.
    Il resta près
du lit. Mary aurait pu aller se reposer dans la chambre voisine, mais il savait
que la fin était proche. Elle se reposerait plus tard. Au milieu de la nuit,
Cullen eut un léger sursaut.
    « Tout va
bien, papa », murmura-t-elle en lui frottant les mains.
    Et la fin fut
si paisible et si facile que, pendant un moment, ils ne se rendirent compte ni
l'un ni l'autre que le père était mort.
    Comme elle ne
l'avait plus fait depuis quelques jours, il fallut raser sa barbe grise ;
Rob le coiffa et tint le cadavre dans ses bras pendant que Mary, les yeux secs
le lavait.
    « Je suis
heureuse de le faire. Il ne me l'avait pas permis pour ma mère. »
    Cullen avait
une longue cicatrice à la cuisse droite : blessé à la chasse par un ours
sauvage, il était resté tout un hiver à la maison, et Mary, dans sa onzième
année, avait alors appris à mieux connaître son père en préparant avec lui une
crèche pour Noël.
    Après la
toilette du mort, Rob fit chauffer de l'eau du ruisseau et Mary se lava tandis
qu'il creusait la tombe, à grand-peine dans le sol dur, avec pour seuls outils
l'épée de Cullen, une branche taillée et ses mains nues. Ils y plantèrent une
croix faite de deux bâtons liés par la ceinture du père. Elle portait la robe
noire qu'il lui avait vue la première fois. Le corps de l'Ecossais fut enseveli
dans une belle couverture qui venait de son pays. Et, en guise de requiem, Rob
se rappela un psaume que Mam chantait.
     
    Le Seigneur
est mon berger ; je ne manquerai de rien.
    Il me fait
reposer dans les verts pâturages.
    Il me
conduit au bord des eaux paisibles...
     
    La laissant
agenouillée, les yeux fermés sur ses pensées, il partit à la recherche des
chevaux. Dans un enclos entouré de broussailles, il trouva les restes de quatre
moutons ; les villageois avaient dû voler les autres. Le cheval blanc de
Cullen gisait plus loin, dévoré par les chacals. Rob alla recouvrir la tombe de
grandes pierres plates pour empêcher les bêtes sauvages de déterrer le cadavre.
De l'autre côté de l'oued, le cheval noir de Mary se laissa passer le licol, apparemment
soulagé de retrouver la sécurité de sa servitude.
    De retour à la
maison, il la trouva calme mais très pâle.
    « Qu'aurais-je
fait, si tu n'étais pas revenu ? » dit-elle.
    Il lui sourit,
se rappelant l'épée nue et la porte barricadée.
    « Je
voudrais retourner à Ispahan avec toi. »
    Il sentit
battre son cœur, mais elle ajouta :
    « Il y a
un caravansérail là-bas ? J'y trouverai une caravane pour l'Ouest et je
gagnerai un port d'où je m'embarquerai pour rentrer au pays. »
    Il vint à elle
et lui prit les mains. C'était la première fois qu'il la touchait. Ses doigts
usés par le travail n'étaient pas ceux d'une femme de harem mais il ne voulait
plus les perdre.
    « Mary,
j'ai commis une erreur terrible. Je ne te laisserai plus partir. Viens à
Ispahan, mais pour y vivre avec moi. »
    Tout aurait
été facile s'il n'avait tenu à lui parler de Jesse ben Benjamin et de cette
comédie qu'il s'était imposée.
    « Tant de
mensonges ! » dit-elle doucement, avec une sorte d'horreur dans les
yeux. Elle le quitta et sortit.
    Il

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