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Le médecin d'Ispahan

Le médecin d'Ispahan

Titel: Le médecin d'Ispahan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Noah Gordon
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contre le soleil, en insistant sur les points
vulnérables : les seins, les aisselles, les reins, le sexe et le pli des
fesses, enfin les pieds et particulièrement les orteils. Il mit un pagne et une
chemise de lin, des chaussures légères de valet de pied et une toque à plume de
couleur vive. Autour de son cou, il passa un carquois et une amulette, jeta un
manteau sur ses épaules et sortit.
    Il y avait
encore peu de monde dans les rues, mais quand il arriva au palais du Paradis,
la foule y était déjà dense. Ses amis le rejoignirent bientôt et il remarqua,
sans vouloir s'y attarder, la froideur de Mirdin vis-à-vis de Jesse. Celui-ci
l'interrogea en riant sur le petit sac qu'il portait au cou.
    « C'est
de ma maîtresse... pour me porter chance », dit Karim. Puis il se tut et
ferma les yeux, tâchant de se concentrer.
    Le brouillard
se dissipait et le disque parfait d'un soleil rouge montait dans l'air déjà
lourd. « Une journée brûlante », pensa-t-il en ôtant son manteau pour
le remettre à Jesse.
    « Allah
soit avec toi, dit Mirdin tout pâle.
    – Que Dieu
t'accompagne », ajouta Jesse à son tour.
    Les yeux fixés
sur le minaret de la mosquée du Vendredi, on attendait en silence et, à l'appel
de la première prière, tous se prosternèrent dans la direction de La Mecque.
Puis ce fut la ruée, au milieu des cris des spectateurs : les coureurs se
disputaient les premières places. Karim, au contraire, attendait avec une
patience dédaigneuse et, quand il démarra, il était à la queue d'un long
serpent humain.
     
    Il courait
sans hâte, décidé à ménager ses forces pendant les cinq premiers milles. Après
les portes du Paradis, on prenait à gauche l'avenue des Mille-Jardins ;
elle montait d'abord avant une descente abrupte qui serait dure au retour. Le
parcours empruntait ensuite, à droite, la rue des Apôtres sur un quart de
mille, avec une brusque plongée et un nouveau tournant à gauche, dans la rue
Ali-et-Fatima, jusqu'à la madrassa.
    Il y avait de
tout dans cette meute encore désordonnée : des jeunes nobles qui
s'arrêteraient au bout d'un demi-tour, des tuniques de soie et des haillons.
Mieux valait rester en arrière et s'échauffer peu à peu. Etait-elle déjà là,
cette femme dont il portait autour du cou une boucle de cheveux ? Son
époux avait permis, disait-elle, qu'elle assiste au chatir sur le long toit du
maristan. Deux infirmiers criaient « Hakim ! hakim ! »,
déçus sans doute de le voir au dernier rang.
    On avait
dressé deux grandes tentes sur la place centrale : l'une pour les
courtisans, avec tapis, brocarts, mets et vins de choix, l'autre offrant aux
gens de peu du pain gratuit, du pilah et du sherbet. La course y perdit la
moitié de ses concurrents, qui se jetèrent sur la nourriture avec des cris de
joie. Les autres, comme Karim, arrivés à la moitié du premier tour, repartirent
en sens inverse vers le palais du Paradis.
    Zaki-Omar
disait toujours que, pour tenir sur une longue distance, un coureur devait
adopter un pas et s'y tenir jusqu'au bout. Le mille romain comptait mille pas
de cinq pieds et Karim en faisait douze cents d'un peu plus de quatre
pieds ; il se tenait parfaitement droit, la tête haute. Le rythme régulier
de son pas sur le sol lui semblait la voix d'un vieil ami. On lui donna aux
portes du palais sa première flèche, qu'il mit dans son carquois. Mirdin lui
proposa un baume contre le soleil ; il le refusa mais accepta avec plaisir
un peu d'eau.
    « Tu es
le quarante-deuxième », dit Jesse.
    Le soleil
était déjà fort. La plupart des chatirs devenaient des supplices dans la
chaleur torride de la Perse ; Karim se rappelait le visage rouge et épuisé
de Zaki, ses yeux exorbités quand il était arrivé second à la fin de cette
course, une fois quand il avait douze ans, puis encore l'année de ses quatorze
ans. Il chassa ce souvenir d'enfant, et gravit les collines sans presque s'en
apercevoir.
    La foule
devenait plus dense ; beaucoup de commerces étaient fermés et les gens
profitaient de ce beau matin d'été, regroupés par affinités : Arméniens,
Indiens, Juifs, lettrés ou organisations religieuses. Devant l'hôpital, il
chercha en vain la femme qui avait promis de venir. Peut-être son mari le lui
avait-il interdit ? Il fut très applaudi et encouragé en passant près de
l'école. Le maidan, animé comme un jeudi soir, offrait aux spectateurs ses
musiciens et ses danseurs, ses jongleurs et ses

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