Le médecin d'Ispahan
sont
mariés ! Ils ne prient ni Jésus ni Marie et n'ont pas le respect de la
Sainte Trinité. »
Rob quitta la
pièce quelques instants pour aller chercher du vin et entendit avec surprise
les questions de Bostock à Mary.
« Vous
êtes chrétienne ? Pourquoi êtes-vous engagée avec ce Juif ? Avez-vous
été prise par des pirates ? des musulmans ? Vous a-t-il
achetée ?
– Je suis sa
femme », dit-elle fermement.
Dans la salle
voisine, Rob eut un sourire sans joie : tel était le mépris de cet Anglais
pour lui qu'il ne prenait même pas la peine de baisser la voix.
« Je peux
vous emmener dans ma caravane avec l'enfant. Vous aurez une litière et des
porteurs jusqu'à ce que vous puissiez monter à cheval, près l'accouchement.
– C'est
impossible, maître Bostock. J'appartiens mon mari, heureuse et de mon plein
gré », dit Mary, tout en le remerciant d'un ton froid.
Il répondit
gravement que c'était son devoir de chrétien. Il espérait que tout homme en
ferait autant pour sa fille si jamais, Dieu l'en préserve !, elle se
trouvait dans la même situation.
Rob Cole
revint, brûlant de se jeter sur Bostock, mais Jesse ben Benjamin respecta
l'hospitalité orientale, et versa du vin à son hôte au lieu de l'étrangler. La
conversation, tendue, s'éteignit peu à peu ; le repas fini, le marchand
prit congé. Restés seuls, Rob et Mary, chacun plongé dans ses propres
réflexions, débarrassèrent la table des restes du repas.
« Rentrerons-nous
jamais chez nous ? demanda-t-elle.
– Bien
sûr !
– Bostock
n'était pas ma dernière chance ?
– Je te le
jure.
– Il a raison
de payer une escorte pour le protéger. La route est si dangereuse... Deux
enfants pourront-ils survivre à un si long voyage ?
– A partir de
Constantinople, nous serons des chrétiens et nous trouverons une caravane sûre.
– Et d'ici à
Constantinople ? »
Il l'aida à
s'allonger et la tint serrée contre lui comme une enfant.
« J'ai
appris un secret en voyageant jusqu'ici. Je resterai Jesse ben Benjamin et nous
serons pris en charge par les villages juifs les uns après les autres, nourris,
logés, protégés et guidés, comme celui qui traverse une rivière dangereuse,
avec prudence, pierre après pierre. »
Il aimait
dormir tout contre ce large ventre où l'on sentait bouger l'enfant. Une nuit,
l'impression d'une chaleur humide le réveilla : Mary perdait les eaux. Il
courut chercher Nitka la sage-femme et la ramena par les rues obscures à la
lueur d'une torche, suivie de ses deux fils qui portaient la chaise d'accouchement.
On l'installa près du foyer, où Rob alluma du feu car la nuit était fraîche, et
Mary s'assit, toute nue, comme sur un trône. Le petit Rob J. fut confié aux
deux garçons, qui le garderaient chez eux le temps qu'il faudrait.
La chaise
était faite pour résister aux coups et aux ruades. Dès la première douleur,
Mary se cramponna aux poignées en pleurant. A la troisième contraction, Rob
vint derrière elle, maintenant ses épaules contre le dossier et elle montra les
dents avec un grognement de louve comme pour mordre. Habitué aux amputations,
endurci par l'expérience des pires maladies, il ne supportait pas le voir
souffrir sa femme. Nitka le mit dehors.
Il avait perdu
la notion du temps quand le souci du feu qui risquait de s'éteindre le ramena
dans la chambre. La tête du bébé apparaissait entre les cuisses écartées et la
sage-femme pressait le travail.
« Allez,
pousse maintenant ! »
Au bout d'un
long moment, on entendit enfin le premier vagissement.
« Encore
un garçon, annonça Nitka en débarrassant de ses mucosités la bouche minuscule
avec l’extrémité de son petit doigt.
– C'était
beaucoup plus facile que la première fois », dit Mary.
Nitka lui fit
sa toilette, la réconforta, puis envoya Rob enterrer le placenta dans le
jardin. Il la paya généreusement et elle s'en alla, contente.
Restés seuls,
ils s'embrassèrent. Mary demanda l'eau et baptisa son fils Thomas Scott Cole.
Un peu moins grand que son frère, c'était un solide petit d'homme aux yeux
bruns, avec une touffe de cheveux noirs où l'on devinait déjà les reflets roux
sa mère. Observant les yeux, la forme de la tête, large bouche et les doigts
fins, Rob retrouva les traits de ses frères William et Jonathan le jour de leur
naissance. « Un bébé Cole est toujours facile à reconnaître, dit-il à
Mary.
68. LE DIAGNOSTIC
Qasim s'occupait des
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