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Le médecin d'Ispahan

Le médecin d'Ispahan

Titel: Le médecin d'Ispahan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Noah Gordon
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avec un terrible mal de poitrine ; elle avait prié Dieu, dit-elle,
de lui envoyer un barbier-chirurgien. Ils achetèrent tous le Spécifique
Universel, sauf l'homme aux croûtes, bien qu'on le lui ait vivement recommandé,
mais peut-être n'avait-il pas les deux pence.
     
    Ils passèrent
dans les Midlands aux douces collines. A Hereford, un village prospère, le
premier malade avait l'âge de Rob mais il était beaucoup plus petit.
    « Il est
tombé d'un toit y a pas six jours, dit le père, un tonnelier, et
regardez-le ! »
    Les éclats
d'un tonneau brisé avaient traversé la paume gauche et la main était soufflée
comme un poisson-lanterne. Le Barbier montra à Rob comment tenir les mains du
garçon et au père comment lui empoigner les jambes, puis il choisit dans sa
trousse un couteau court et aiguisé.
    « Tenez-le
ferme », dit-il.
    Rob sentait
les mains trembler et le gamin hurla quand sa chair creva sous la lame ;
il en jaillit un pus verdâtre et fétide, puis du sang. Le Barbier acheva
d'assainir la plaie, puis entreprit de la sonder avec délicatesse à l'aide de
pinces pour en retirer les plus infimes éclats. Le blessé gémissait.
    « Ce sont
ces débris, expliqua-t-il au père, qui l'ont rendu malade ; il faut les
enlever tous car ils contiennent des humeurs peccantes qui gangrèneraient la
main de nouveau. »
    Une fois la
plaie nette, il y versa du Spécifique, posa un bandage puis but lui-même le
reste du flacon. Le garçon en pleurs se hâta de filer tandis que son père
payait.
    Le suivant
était un vieux tout courbé à la voix caverneuse.
    « Des
crachats le matin... qui m'étouffent », dit-il en suffoquant.
    Le Barbier
passa la main sur la poitrine maigre. Il réfléchit.
    « Je vais
vous opérer. Aide-le à se déshabiller un peu », ajouta-t-il en s'adressant
à Rob.
    L'assistant
écarta la chemise avec précaution tant l'homme paraissait fragile et, prenant
ses mains pour le tourner vers son maître, il crut serrer deux oiseaux
tremblants. Un message passa de ces doigts décharnés dans ses propres mains.
    – Allons, dit
impatiemment le Barbier, en le voyant figé, on ne va pas rester là toute la
journée ! »
    Rob ne
semblait pas l'entendre. Deux fois déjà, il avait ressenti l'étrange
avertissement émanant d'un autre corps. Saisi de la même terreur, il lâcha la
main du vieillard et s'enfuit.
    Le Barbier se
lança à sa poursuite en jurant et le découvrit caché sous un arbre.
    « J'exige
une explication, et tout de suite !
    – Le vieux...
Il va mourir.
    – Quelle
histoire es-tu en train d'inventer ? » Rob se mit à pleurer.
    « Arrête !
Comment le sais-tu ? »
    Le garçon ne
pouvait pas parler. Il suffoqua sous la gifle et, soudain, les mots
s'échappèrent comme un torrent car ils n'avaient fait que tourner dans sa tête
depuis leur départ de Londres. Il avait senti venir la mort de sa mère, puis
celle du père, et il ne s'était pas trompé.
    « Mon
Dieu, dit le Barbier avec horreur sans le quitter des yeux. Tu as vraiment
senti la présence J e la mort chez ce vieux
    – Oui, dit
Rob, tout en pensant qu'on ne le croirait pas.
    –
Quand ? »
    Il haussa les
épaules.
    « Bientôt, »
    Il hocha la
tête. Il disait la vérité, simplement, et vit dans les yeux de son maître qu'il
le savait. Le Barbier hésita puis, se décidant :
    « Pendant
que je me débarrasse des clients, prépare le chariot. »
    Ils quittèrent
le village sans se presser mais, dès qu'ils furent hors de vue, filèrent aussi
vite que le permettait la piste accidentée. Rob vit pour la première fois le
Barbier fouetter son cheval pour lui faire passer la rivière à gué.
    « Pourquoi
fuyons-nous si vite ?
    – Tu sais ce
qu'on fait des sorciers ? hurla son maître pour couvrir le bruit de la
charrette et des sabots au galop. On les pend à un arbre ou à une croix.
Quelquefois on plonge les suspects dans la Tamise et, s'ils se noient, on les
déclare innocents. Si ce vieux meurt, on nous accusera de magie »,
cria-t-il en abattant son fouet sur le dos du cheval terrorisé.
    Ils ne
s'arrêtèrent ni pour manger ni pour se reposer. Quand ils laissèrent Tatus
ralentir un peu, Hereford était déjà loin, mais ils firent trotter la pauvre
bête jusqu'à la nuit tombée. Epuisés, ils campèrent et prirent en silence un
maigre repas.
    « Raconte-moi
tout encore une fois. N'oublie rien », dit enfin le Barbier. Il écouta
attentivement jusqu'au bout, puis hocha la

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