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Le médecin d'Ispahan

Le médecin d'Ispahan

Titel: Le médecin d'Ispahan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Noah Gordon
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faisons
commerce avec tous les pays et nous avons de la famille un peu partout sur les
marchés. Les langues font partie du métier. Tuveh, par exemple, apprend celle
des mandarins car, d'ici trois ans, il va travailler sur la route de la soie,
pour l'entreprise de mon oncle. »
    Son oncle
dirigeait en Chine toute une branche de la famille ; il envoyait tous les
trois ans en Perse une caravane de soie, de poivre et autres produits
exotiques. Tous les garçons de la parenté assuraient ainsi d'Angora à Meshed le
transport de marchandises précieuses vers le royaume franc d'Orient. Rob en eut
un choc.
    – Tu sais le
persan ?
    – Bien sûr.
    – Veux-tu me
l'apprendre ? Je te paierai bien.
    « Simon
hésitait : cela prendrait du temps.
    – Pourquoi
veux-tu le savoir ? Tu veux travailler avec la Perse ?
    – Peut-être.
    – Tu veux y
retourner souvent pour acheter des herbes et des plantes médicinales, comme
nous le faisons pour la soie et les épices ?
    – Un peu de
ci, un peu de ça », fît Rob en haussant les épaules comme l'aurait fait
Meir ben Asher, et Simon se mit à rire.
    Il commença sa
première leçon en écrivant dans la poussière avec un bâton mais ça n'allait pas
et le Barbier alla chercher dans la charrette son matériel de dessin avec un
rondin de hêtre. Comme Mam l'avait fait autrefois pour lui apprendre à lire,
Simon montra d'abord l'alphabet. Bon sang ! L'écriture persane n'était que
points et lignes, crottes de pigeon et traces d'oiseaux, copeaux de bois et
vers de terre en folie...
    « Je ne
saurai jamais !
    – Si
fait », dit l'autre tranquillement.
    Rob dîna en
prenant son temps pour calmer son excitation, puis il s'assit sur le siège de
la charrette et se mit au travail.

27. MORT D'UNE SENTINELLE

 
    Ils quittèrent les montagnes pour un pays plat, que la route romaine coupait en
ligne droite à perte de vue. De chaque côté, des champs de terre noire où des
paysans récoltaient les céréales et les derniers légumes. L'été était fini. Ils
longèrent trois jours un lac immense et firent halte pour acheter des
provisions à Siofok : quelques maisons branlantes habitées par des
croquants rusés et voleurs. Le lac Balaton semblait un monde irréel. De son eau
sombre, polie comme une gemme, montait une brume blanche, dans ce petit matin
où Rob observait les Juifs tout occupés à leurs dévotions.
    Plus tard il
leur proposa de se baigner avec lui ; ils firent d'abord la grimace à
cause du froid, puis Simon s'en alla – il était de garde – et les autres
coururent vers la plage, se déshabillèrent et sautèrent dans l'eau à grand
bruit comme des gamins, Tuveh nageait mal, Judah pataugeait, et Gershom, ont le
petit ventre blanc contrastait avec son visage hâlé, se laissait flotter en
braillant des chansons incompréhensibles.
    « C'est
mieux que la mikva  ! cria Meir.
    – Qu'est-ce
que la mikva ? » demanda Rob, mais l'autre plongea et s'éloigna sans
répondre, d'un mouvement puissant et régulier.
    En le suivant,
le jeune barbier regrettait toutes les filles avec qui il avait nagé, et fait
l'amour, avant ou après, ou même pendant ; son corps s'émut de désir. Pas
une femme depuis cinq mois : son record d'abstinence !
    Dépassant
Meir, il l'éclaboussa. Le Juif cracha et toussa.
    « Espèce
de chrétien ! »
    Rob
l'éclaboussa de nouveau et Meir s'approcha. Rob était plus grand, mais Meir
plus fort. Ils s'étreignirent, cherchant à s'entraîner mutuellement vers le
fond ; le chrétien saisit l'autre par la barbe et s'enfonça sous l'eau.
Ils s'affolèrent au même instant : sombrant au plus profond, saisis par le
froid, ils allaient se noyer par jeu ! Fonçant chacun de son côté pour
remonter, ils émergèrent en suffoquant. Ni vainqueurs ni vaincus, ils
regagnèrent ensemble la plage et remirent à grand-peine dans leurs vêtements
leurs corps mouillés que la fraîcheur déjà automnale faisait frissonner.
    Meir avait
remarqué le pénis circoncis de Rob.
    – C'est un
cheval qui m'a mordu.
    – Une jument,
plutôt », dit le Juif d'un ton solennel, puis il chuchota quelque chose
aux autres, qui regardèrent Rob en riant. Ils portaient à même la peau de
bizarres tuniques à franges. Nus, c'étaient des hommes comme tout le
monde ; vêtus, ils redevenaient des étrangers.
    Après le lac,
le paysage était monotone : champs et forêts se succédaient sans fin et
Rob imaginait les troupes romaines, avec leurs captifs et

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