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Le médecin d'Ispahan

Le médecin d'Ispahan

Titel: Le médecin d'Ispahan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Noah Gordon
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importun.
L'arrivée du professeur coupa court aux commentaires. Sayyid Sa'di enseignait
la philosophie ; il avait la mine d'un homme préoccupé. C'est alors que
Rob eut un avant-goût de ce qui l'attendait après avoir tant lutté pour être étudiant.
Sayyid aperçut dans la salle un visage qui lui était étranger.
    « Toi,
dhimmi, comment t'appelles-tu ?
    – Jesse ben
Benjamin, maître.
    – Eh bien,
Jesse ben Benjamin, dis-nous comment Aristote décrit les liens entre le corps
et l'esprit... Voyons ! C'est dans son livre De l'âme , ajouta le
professeur avec impatience.
    – Je ne
connais pas ce livre. Je n’ai jamais lu Aristote.
    – Il faut t’y
mettre immédiatement »
    Le ton était
sévère, et Rob ne comprit pas grand-chose à la conférence. Tandis que
l'amphithéâtre se vidait, il s'approcha de Mirdin Askari.
    « Je suis
chargé de te transmettre les amitiés de trois habitants de Mascate : Reb
Lonzano ben Ezra, Reb Loeb ben Kohen, et ton cousin Reb Aryeh Askari.
    – Ah
oui ? Ils ont fait bon voyage ?
    – Je le crois.
    – Tu es un
Juif d'Europe, paraît-il. Ispahan peut te paraître étrangère mais la plupart
d'entre nous viennent aussi d'autres régions : quatorze musulmans sont du
califat oriental, sept du califat d'Occident et cinq sont des Juifs d'Orient.
    – Je ne suis
que le sixième Juif ? A en croire Fadil, il y en avait davantage.
    – Oh !
Fadil ! Un seul étudiant juif c'est déjà trop pour lui. A ses yeux
d'Ispahanien, il n'est pas d'autre nation civilisée que la Perse et pas d'autre
religion que l'islam. Deux musulmans qui s'insultent se traitent de
" juif " et de " chrétien ". Et, quand
ils sont de bonne humeur, ils trouvent spirituel d'appeler l'un des leurs
" dhimmi ". »
    Rob hocha la
tête en se rappelant le rire des gens quand le chah avait dit :
« Qu'on donne un calaat à cet " Hébreu ". »
    « Cela
t'irrite ? demanda-t-il.
    – Ça m'oblige
à travailler et à me donner à fond. Je peux dépasser en souriant tous les
étudiants musulmans à la madrassa... On dit que tu es barbier-chirurgien. C'est
vrai ? A ta place, je n'en parlerais pas. Les médecins persans ne vous
estiment guère...
    – Je me moque
de leur estime. Je n’ai pas à m’excuser d’être ce que je suis. »
    Rob crut voir
comme une approbation dans les yeux de Mirdin, mais ce ne fut qu'un éclair.
    « Tu n'as
pas à le faire, non plus », dit le cousin d'Aryeh avant de quitter
l'amphithéâtre.
    Le cours de
théologie islamique, donné par un gros mullah nommé Abul Bakr, fut à peine
meilleur que celui de philosophie. Le Coran se composait de cent quatorze
chapitres appelés sourates, dont la longueur variait de quelques lignes à cent
versets et davantage, et l'on ne pouvait être diplômé de la madrassa sans
connaître par cœur les plus importants.
    Pendant la
leçon suivante, le maître chirurgien Abu Ubayd al-Juzjani le pria de lire les Dix
Traités sur l'œil , de Hunayn. Al-Juzjani était petit, brun et redoutable,
avec le regard immobile et l'humeur d'un ours qu'on vient de réveiller. Rob
était refroidi par ce déluge de travaux scolaires, mais il s'intéressa à
l'exposé sur la cataracte.
    « On
croit que cette cécité est causée par une humeur corrompue qui se déverse dans
l'œil, dit al-Juzjani. Aussi, les premiers médecins persans l'ont-ils appelée nazul-i-ab ,
ou " descente d'eau ", ce qu'on a vulgarisé en
" maladie de la chute d'eau " ou cataracte. La plupart
commencent par une petite tache dans la lentille qui gêne à peine la vision,
mais qui s'étend progressivement jusqu'à rendre toute la lentille d'un blanc
laiteux, ce qui entraîne la cécité. »
    Le maître
opéra les yeux d'un chat mort, puis ses assistants distribuèrent aux étudiants
des cadavres d'animaux. Rob hérita d'un cabot brunâtre au regard fixe, qui
n'avait plus de pattes de devant. Il se rappela, pour se donner du courage,
comment Merlin avait opéré Edgar Thorpe, après avoir suivi les cours ici, peut-être
dans cette même salle. Al-Juzjani vint se pencher au-dessus de lui.
    « Place
ton aiguille sur la tache, là où tu veux inciser, et fais une marque. Ensuite,
déplace la pointe vers l'angle extérieur de l'œil, au niveau et peu au-dessus
de la pupille : la cataracte glissera en dessous. Si tu opères l'œil
droit, tiens l'aiguille dans ta main gauche, et vice versa. »
    Rob suivit ses
instructions, en pensant aux hommes et aux femmes qu'il avait vus

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