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Le médecin d'Ispahan

Le médecin d'Ispahan

Titel: Le médecin d'Ispahan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Noah Gordon
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porc,
animal interdit à la consommation chez les musulmans, mais non à l'étude.
    « Le porc
est un sujet exceptionnel car ses organes internes sont identiques à ceux de
l'homme, dit le maître en découpant adroitement la peau et en découvrant de
très nombreuses tumeurs. Ces grosseurs à la surface lisse sont probablement
inoffensives, mais certaines ont un développement rapide, comme celles-ci dont
les masses charnues sont groupées les unes contre les autres. Ces tumeurs dites
" en chou-fleur " sont mortelles.
    –
Apparaissent-elles chez les humains ?
    – Nous
l'ignorons.
    – Pourquoi ne
pas les chercher ? »
    Un silence de
mort tomba sur les autres étudiants pleins de mépris pour l'étranger, ce diable
d'infidèle, et sur les maîtres assistants inquiets ; le mullah qui avait
abattu la bête leva la tête de son livre de prières.
    « Il est
écrit, dit Ibn Sina avec prudence, que " les morts se lèveront pour
revivre à l'appel du Prophète " – qu'Il soit béni ! Dans
l'attente de ce jour, les corps ne doivent pas être mutilés. »
    Rob acquiesça,
le mullah retourna à ses prières et Ibn Sina reprit sa leçon.
     
    L'après-midi,
hakim Fadil ibn Parviz, coiffé du turban rouge des médecins, reçut les
félicitations de tous pour sa réussite à l'examen. Rob, qui n'avait pas pour
lui de sympathie particulière, en fut ému et content car le succès de n'importe
quel étudiant pouvait un jour être le sien. Fadil et al-Juzjani dirigeaient
justement la visite ce jour-là et, quand Ibn Sina les rejoignit, au dernier
moment, Rob ressentit la tension et la légère effervescence que provoquait
toujours la présence du maître.
    Parmi les
malades atteints de tumeurs, un homme aux yeux creux était couché près de la
porte.
    « Jesse
ben Benjamin, dit al-Juzjani, parle-nous de cet homme.
    – C'est Ismail
Ghazali. Il ne connaît pas son âge mais dit être né à Khur pendant les grandes
inondations. Il doit avoir environ trente-quatre ans. Il a des tumeurs au cou,
sous les bras et à l'aine. Il a perdu son père, quand il était enfant, d'une
maladie semblable. Uriner lui est un supplice, et le liquide est jaune foncé
mêlé de filaments rouges. Il ne peut garder sans vomir que quelques cuillerées
de gruau ; on l'alimente légèrement chaque fois qu'il accepte de manger.
    – L'as-tu
saigné aujourd'hui ?
    – Non, hakim.
Ce serait une souffrance inutile... A la nuit tombante il mourra. »
    Rob n'aurait
pas ajouté cela s'il avait songé aux tumeurs de porc, qui rongeaient peut-être
le corps d'Ismail Ghazali.
    « D'où te
vient cette idée ? »
    Tous les
regards étaient sur lui, mais il préféra éviter une explication.
    « Je le
sais », dit-il enfin, et Fadil, oubliant sa nouvelle dignité, éclata de
rire.
    Al-Juzjani
avait rougi de colère, mais Ibn Sina l'apaisa d'un geste et continua la visite.
Cet incident vint à bout du courage de Rob. Impossible de travailler ce
soir-là. Il avait commis une erreur. Il n'était sans doute pas fait pour être
médecin.
    Le lendemain
matin, à l'école, il suivit trois cours et se força l'après-midi à accompagner
al-Juzjani dans son inspection. Ibn Sina les rejoignit comme la veille. Dans la
section des tumeurs, un jeune homme occupait la paillasse près de la porte.
    « Où est
Ismail Ghazali ? demanda al-Juzjani à l'infirmier.
    – Emporté
cette nuit, hakim. »
    Il n'y eut
aucun commentaire et, pendant le reste de la visite, Rob fut traité avec un
mépris glacial, comme un dhimmi étranger qui a deviné juste, par hasard. Mais,
une fois le groupe dispersé, une main se posa sur son bras et, se retournant,
il croisa le regard inquisiteur du vieux maître.
    « Tu
viendras partager mon dîner », lui dit Ibn Sina.
     
    Ce soir-là, il
était impatient et nerveux en suivant, selon les indications du médecin-chef,
l'avenue des Mille-Jardins, qui conduisait à sa demeure. C'était une vaste
maison de pierre, à deux tours jumelles, au milieu de vergers et de vignes en
terrasses. Ibn Sina, lui aussi, avait reçu un calaat, mais, vu sa notoriété et son
prestige, le don avait été princier. Un portier, qui attendait Rob,
l'introduisit dans la propriété et prit son cheval. Le gravier de l'allée était
si fin que ses pas y faisaient à peine plus de bruit qu'un souffle.
    Comme il
approchait de la maison, une porte s'ouvrit et il en sortit une femme jeune et
gracieuse, vêtue d'un manteau de velours rouge bordé de

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