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Le Monstespan

Le Monstespan

Titel: Le Monstespan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Teulé
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devant une soupe à la bière, en ont la mâchoire
qui se décroche :
    — Qui
est-ce ?
    — La plus
belle femme de l’époque...
    — Une
triomphante beauté à faire admirer aux ambassadeurs !
    Menton décidé,
nez droit, poignets, taille et cou fins, sa chevelure blonde est épaisse et
abondante. Elle a inventé un style de coiffure qu’elle a baptisé : hurluberlu. Tirés sur le front en arrière et maintenus par un cerceau au sommet du
crâne, ses cheveux retombent de chaque côté en cascades de boucles qui
encadrent le visage.
    — Ça
pourrait devenir à la mode, prédit un client devant les sourcils se fronçant
d’une épouse revêche.
    Louis-Henri,
lui, admire le burlesque de la sienne, sa bouche éclatante et rouge d’où jamais
rien ne sort que propos qu’il aime, nid de délices. Mais il baisse les yeux
vers son assiette :
    — Athénaïs, on joue aux
cartes, on perd, les dettes s’accumulent tels des nuages. Je dois de l’argent à
tout le monde, à mon tailleur, à mon armurier, à des amis. Financièrement nous
sommes mal soutenus et nous nous engageons dans une vie périlleuse.
    Un valet de
table apporte à Athénaïs une assiette d’huîtres « tout en vie » et du
chou au lard pour Louis-Henri. Les muscles des mollusques ont été préalablement
tranchés en cuisine si bien que la blonde n’a plus qu’à soulever, pencher les
coquilles et laisser glisser l’intérieur vers ses lèvres. Tout comme à l’époque
de la Rome antique, elle les préfère laiteuses alors, avant de les engloutir,
elle croque la poche. Le lait s’écoule au bord des commissures et sous le
regard de quelques ducs qui ont chaud. Ils s’étirent le col de chemise tandis
que le marquis de Montespan poursuit :
    — En cinq
mois, nous avons déjà épuisé les quinze mille livres de rente annuelle versée
par mes parents et les intérêts de la dot payés par les tiens, qui n’ont pas
non plus tellement de moyens. Mais aussi, tout est cher à Paris, et deux
domestiques à demeure ! Tout est double et triple ici. Cent livres de
loyer pour l’appartement, l’entretien d’un carrosse et son cocher coûte douze
livres la journée. Alors j’ai pris une décision...
    — Nous
allons partir vivre dans les contreforts des Pyrénées en ton château de
Montespan ? sourit la marquise rêveuse, avalant une nouvelle huître tandis
qu’on dépose aussi sur la table les asperges et les haricots rouges.
    — Non,
car tu n’y serais pas assez bien. Anobli par Louis XIII pour récompenser les services qu’un
aïeul avait rendus, les terres de deux villages — Antin et Montespan
 – furent érigées en marquisat. La famille s’était d’abord installée au
château d’Antin, mais comme il menaçait de s’écrouler elle déménagea pour celui
de Montespan. Puis voilà que ce manoir fut à son tour en mauvais état. Donc ils
sont venus habiter celui de Bonnefont, où je suis né. Hélas, ce n’est pas un
beau château. Avec ses pierres fendues, envahi de ronces et entouré par l’eau
croupissante des douves, il n’est pas digne de toi...
    — Mais
alors, votre idée pour nous tirer d’affaire, mon délicat mari ? demande
celle qui, toujours, offre à Louis-Henri un sourire amusant, toujours.
    Elle s’empare
d’une asperge, la hisse au bord de ses lèvres comme si elle jouait de la flûte.
Elle pivote les pupilles vers des comtes qui saisissent un pan de nappe pour
s’éponger le front pendant que Louis-Henri déclare ce qu’il avait à dire :
    — Je vais
servir aux armées, verser l’impôt du sang, devenir capitaine d’une compagnie de
piquiers.
    Athénaïs
continue de regarder la salle et les rideaux de velours aux fenêtres, les
bouquets de fleurs sur les tables.
    — Monsieur,
je vous interdis de mettre sur un champ de bataille un seul de vos pieds
charmants. Puis elle fixe Louis-Henri dans les yeux. Vos trois frères sont déjà
passés par les armes et seule la paix règne sur vos mains. Ne fais pas cela
pour moi. Nous allons...
    Mais le
Montespan l’interrompt :
    — C’est le seul moyen de s’en
sortir puisque les aristocrates n’ont pas le droit de travailler et que les
affaires, le commerce intérieur, nous sont interdits. Un exploit guerrier
serait aussi la manière la plus glorieuse d’amnistier les fautes de ma famille
auprès de Sa Majesté. Cela fait longtemps que j’y pense, que j’attendais une
guerre. Fort heureusement, une cité lorraine vient d’entrer en

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