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Le Monstespan

Le Monstespan

Titel: Le Monstespan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Teulé
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silence et que
chaque homme doit toujours avoir une balle dans la bouche pour recharger plus
vite.
    Montespan, aux avant-postes, n’a
pas peur en ce 2 septembre 1663. Et bien que ce soit sa première bataille, le
soudain fougueux Gascon, étendard de taffetas au poing, ne rêve plus que d’en
découdre. Il sait qu’il a, là, l’occasion de montrer sa bravoure et d’espérer,
s’il n’est pas tué, quelques largesses financières de Sa Majesté finalement
reconnaissante.
    Il n’est pas
effrayé de découvrir les mineurs creusant des fourneaux d’explosifs sous la
muraille, de savoir que quand elle s’effondrera, ce sera l’heure du corps à
corps et qu’il faudra y aller, le fer dans la viande ! Il sait pourquoi il
est là, pour qui surtout. Ça le porte, la pensée de sa femme et le confort
qu’il pourra lui offrir. Les piquiers se donnent du courage en criant :
« Tue ! Tue ! » Les fusiliers gueulent : « En
avant et sans peur ! » Louis-Henri ferme les yeux, se mord la lèvre
inférieure et pense : « Pour Athénaïs ! » Le galop de son cheval
déplace des mottes de terre et les piquiers qui courent près de lui remuent de
la poussière. Les cliquetis des armes à feu progressent derrière.
    C’est
maintenant qu’il va falloir montrer de quoi on est capable. Déjà, aux haies
traversées, les mûres écrasées saignent comme des plaies. Les monticules se
couvrent de fleurs. L’air est immobile. Ce ne pourra être que la fin du monde
en avançant. Le drapeau de Louis-Henri, décoré de ses armes, va au paysage. Un
oiseau vole avec quelque fruit d’une haie au bec et son reflet, dans l’eau
d’une rivière franchie, survit à son passage. La tête de Montespan erre et
s’abîme à l’aventure en quête d’ombres et d’un travail charmant. Il a des
malices d’anthropophage. Pour sa femme  – sa sœur, son précieux souci  –
il fait un saut vers les abîmes sourds et brandit du taffetas jaune et noir sur
le ciel. Les fortifications de Marsal paraissent de plus en plus hautes
lorsque, soudain, on entend un air de musique provenant de l’intérieur de la
ville.
    — Mais
qu’est-ce ? s’étonne le marquis tirant sur les rênes de son cheval.
    — La
chamade, répond un piquier près de lui.
    — La
quoi ?
    — Un
appel de trompettes par lequel les assiégés informent qu’ils capitulent.
    — Hein ? !
Ah non, ce n’est pas possible ! Pourquoi se rendent-ils ? Ils n’ont
pas le droit ! C’est que j’ai emprunté douze mille livres tournois, moi,
pour cette guerre ! Alors ils doivent se défendre, nous jeter de l’huile
bouillante, nous tirer dessus, lancer leur cavalerie… me forcer à un
exploit !
    Mais des
drapeaux blancs s’agitent au-dessus des tours de Marsal. Le marquis de
Montespan, totalement déconcerté, se retourne. Et ce qu’il découvre au loin
derrière lui !... Blasons au vent, une armée immense occupe tout l’horizon
sur la falaise du plateau. Tant de canons, tant de timbales, tant de drapeaux,
tant d’étendards ! Montespan en bégaie :
    — Mais-mais-mais
c’est qui eux tous ?
    — Sa
Majesté avec son armée personnelle...
    — Ah bon,
le monarque est venu ? Mais je ne le savais pas. Je me disais aussi :
« Trois compagnies de hobereaux comme moi, on n’est pas tant que ça pour
attaquer la ville... »
    Un envoyé du
roi arrive au galop jusqu’à une porte de la cité, prend un message et court
dans l’autre sens en confirmant la nouvelle ;
    — Le duc
de Lorraine consent d’honorer sa promesse !
    Les fusiliers de Montespan tirent
dans le ciel pour manifester leur joie. Il n’y a que Louis-Henri qui fait la
gueule. Pour un peu, il en pleurerait. Il aura suffi au roi de déployer sa
force à l’horizon pour qu’aussitôt les rebelles rendent les armes sans tirer un
seul coup de mousquet. Et c’est donc sans avoir gagné la moindre parcelle de
notoriété que Montespan devra retourner chez lui encore plus endetté. Voilà une
étrange guerre qui finit bien tristement. Les arrangements de la Providence
sont quelquefois très contraires à ce que nous pensons. Au retour vers la
capitale, Louis-Henri chevauche un temps près du maréchal Luxembourg, surnommé
« le Tapissier de Notre-Dame » pour le grand nombre de drapeaux pris
à l’ennemi qu’il envoie décorer la cathédrale. Il porte sous le bras celui du
duc de Lorraine...
    Jusqu’à Paris,
dans chaque ville traversée, le monarque fait donner des

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