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Le Monstespan

Le Monstespan

Titel: Le Monstespan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Teulé
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yeux :
    — J’aurai
fait ce que j’ai pu pour ne pas offenser Dieu et ne pas m’abandonner à ma
passion, explique-t-il en gravissant quelques marches lui aussi. Mais je suis
contraint de t’avouer qu’elle est devenue plus forte que ma raison. Je ne puis
résister à sa violence et je ne me sens même pas le désir de le faire...
Raah !
    — Au
secours !
    Mme de
Montespan s’enfuit vers les étages, poursuivie par son mari qui cavale après
ses jupons salauds qu’elle soulève trop. Elle offre la vision tentante du
fruit. Toutes ces jupes sont bien légères et se lèvent à tous vents dans un
parfum de tubéreuses et de bois ciré à l’intérieur du sombre escalier.
    Au premier
étage, à gauche, une porte ouverte sur un salon modestement meublé :
sièges pliants faits de sangles et fortes toiles, une glace de Venise, une
table de jeu à plusieurs tiroirs. Sur un mur enduit de peinture verte, une
tapisserie tendue, fabriquée à Rouen. Ce ne sont que fils de coton mais ils
représentent l’histoire de Moïse. Louis-Henri pourchasse Françoise dans le
fracas des marches. Il a une bosse à sa culotte de satin gris, devant. La
marquise se retourne, s’en aperçoit :
    — Mon
Dieu !...
    Au deuxième
étage, c’est la cuisine : un four de brique, des broches et des poêles en
fer, des pichets, pots et terrines en grès... Des aliments rangés dans des
boîtes grillagées qui protègent des mouches et des souris. Des salaisons
pendent au plafond par-dessus Mme Larivière et la nouvelle domestique. Assises
côte à côte sur un petit banc, elles mangent leur soupe sur les genoux dans une
écuelle de terre avec une cuillère en bois, regardent passer leurs maîtres qui
les ignorent, tout à la fête des sens.
    — Quant à
la troisième jupe, éclate de rire Françoise, c’est la secrète. La mienne
est bleu d’enfer !
    Robe et jupons par-dessus tête,
comme toutes les femmes de son temps, elle ne porte pas d’autre sous-vêtement.
Louis-Henri file derrière un cul nu inondé par la lumière de la fenêtre de cet
escalier qui tourne à droite, vers le galetas des domestiques sous le toit,
mais le cul nu vire à gauche dans une chambre enorgueillie d’un immense lit.
Ses quatre colonnes torsadées soutiennent des rideaux de serge vert et rouge
vaguement noués. Les deux corps se jetant l’un par-dessus l’autre sur le
matelas bousculent le sommier, alors les rideaux, sous le ciel de lit, se
déroulent, se referment  – rempart contre le froid et aussi refuge de
l’intimité conjugale.
    — Quel
est ce doigt qui n’a pas d’ongle ?
    Voilà ce
qu’entend la nouvelle domestique, âgée de huit ans, car les Montespan n’ont pas
refermé la porte de leur chambre. Dans la cuisine, près de Mme Larivière, elle
regarde le plafond, écoute grincer les pieds d’un lit, ce qui agace la
cuisinière :
    — Ah, la
marquise est de l’étoupe la plus prompte à s’enflammer. Je la surnomme
« le Torrent » tant elle est vorace de plaisirs. Elle sait bien
battre le velours, rôtir le balai.
    Et c’est vrai
qu’au-dessus, les maîtres sont pêle-mêle. Françoise, dans la bouche de son
mari, souffle du bonheur comme au temps des fées. Puis ce sont des petites
cochonneries qui plaisent toujours et ne cessent de chatouiller un peu. Les
cent mille délices qui précèdent la conclusion. Mots et discours soutiennent
l’action.
    — Ah...
Mmh... Ah !...
    À l’étage
inférieur, Mme Larivière  – cheveux crépus et noirs, teint olivâtre et
jambes en pattes de héron, pas franchement de la famille de Vénus  – vide
la cendre du four dans un broc qu’elle tend à l’enfant domestique :
    — Tiens,
Dorothée, plutôt que de les écouter jouer à colin-tampon, va vendre la cendre
au blanchisseur du bout de la rue. Tu garderas l’argent pour toi,
l’économiseras pour t’acheter plus tard une couverture car les chambres des
domestiques ne sont jamais chauffées. Et puis aussi, pour ne pas remonter à
vide, prends ce seau que tu empliras au puits de la cour. La fontaine à eau est
presque vide, dit-elle en tapotant des ongles contre une cuve en cuivre rouge,
garnie d’un couvercle et d’un robinet sonnant creux.
    Dorothée, très
troublée dans l’escalier, découvre sur les marches la grande perruque châtain
dont le marquis s’est débarrassé. Elle gît, bouclée, comme un animal crevé.
    Ce logement toujours sombre est
finalement peu agréable à vivre mais là-haut, sous les

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