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Le Monstespan

Le Monstespan

Titel: Le Monstespan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Teulé
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spectacles de rue
 – ballets, pièces de théâtre  – qu’applaudit aussi sa cour qui
l’entoure. Tout ce qu’on a vu de magnificence des rois de Perse n’est pas
comparable à la pompe qui accompagne Louis XIV. Par les rues, ce ne sont que
panaches, habits dorés, mulets superbement harnachés, chevaux de parade portant
des housses tendues de fils d’or, habits décorés de dentelles et de plumes.
    Il est
impossible à Louis-Henri d’apercevoir Sa Majesté tant elle est entourée de
quantité de gardes, de courtisans, d’artistes éperdus en génuflexions. Un homme
d’une quarantaine d’années — Jean de La Fontaine  – lui récite un poème
qu’il vient de composer : « Sonnet sur la prise de Marsal ».
     
    Monarque le
plus grand que révère la Terre
    Et dont
l’illustre nom se fait craindre en tous lieux,
    Près de toi
le pouvoir des ambitieux
    A moins de
fermeté que l’argile et le verre...
     
    Le fabuliste,
à la bouche aux lèvres avalées, articule d’une petite voix tremblante d’émotion
et pleine de trémolos. Les courtisans lancent des « Jésus Marie, que c’est
beau, que c’est juste, que cela est bien tourné ! Poursuivez, maître, de
grâce ! ». Le pensionné de Sa Majesté ne se fait pas prier.
     
    Marsal qui
se vantait de te faire la guerre,
     Baissant
à ton abord son front audacieux,
    Dès le
premier éclair qui lui frappe les yeux,
    Se rend et
n’attend pas le coup de ton tonnerre.
     
    Tout le monde
applaudit du bout de ses doigts poudrés, frénétiquement. L’inspiré de
Château-Thierry poursuit :
     
    Si la
fierté rebelle eût irrité ton bras,
    Qu’il se
fût signalé par de fameux combats,
    Qu’il m’eût
été doux d’en célébrer la gloire...
    Mais ma
muse déjà commence à redouter
    De ne te
voir jamais remporter des victoires
    Pour
manquer d’ennemis qui t’osent résister.
     
    Ah... Pour un
peu, tout le monde s’évanouirait d’extase autour d’une petite personne dont Montespan
n’aperçoit que le sommet de la perruque noire qui dodeline de satisfaction. Il
s’agit forcément du monarque que Louis-Henri imaginait plus grand, tel que
représenté sur les tableaux. Justement, Charles Le Brun s’approche :
    — Sire,
permettez-moi de vous soumettre ce carton pour la tapisserie qui célébrera la
reddition de Marsal. Voyez, vous y êtes représenté à cheval et la tête de
profil en haut du plateau boisé qui domine la plaine. Le duc de Lorraine, à vos
pieds, vous supplie d’accepter les clés de la ville de Marsal représentée au
loin.
    Derrière le peintre, les
courtisans prudents attendent le commentaire de Sa Majesté pour savoir s’il
faut s’extasier encore. Mais comme la voix calme du roi, à hauteur de leurs
épaules, déclare : « Monsieur, faites tisser aux Gobelins », les
ducs, les princes, les marquis, s’époumonent : « Ah, que c’est joli,
que c’est bien peint ! » Louis-Henri entend le monarque rappeler
aussi aux auteurs de théâtre, musiciens, sculpteurs, autour de lui :
« Je vous confie la chose la plus importante au monde : ma
renommée. »
     

     
    Dépité et de
retour à Paris, le pauvre marquis de Montespan, la queue de son cheval entre les
pattes arrière, arrive rue Taranne. Sa domesticité (Mme Larivière, Dorothée)
l’attend dehors sur le pavé pour saluer le maître. Françoise se jette dans ses
bras :
    — Louis-Henri,
tu es en vie !
    Elle
l’entraîne chez eux où il retrouve les vieux meubles massifs et encombrants. Le
marquis finit de lui résumer son expédition  – gouffre financier :
    — Et tout
s’est arrêté là. La seule apparition du roi a suffi. Alors me revoilà sans rien
d’autre à te raconter, rien à t’exhiber, ni décoration ni titre mais plus
désargenté que jamais. Douze mille livres de dettes supplémentaires prêtées par
mon père qui dut emprunter à son tour. Moi qui t’avais promis :
« Athénaïs, je reviendrai les finances à flot... »
    Dans le salon
sombre, devant la tapisserie représentant Moïse, Dorothée répand des parfums
diffusés à l’aide d’un soufflet qui embaume l’appartement et Françoise veut
consoler son mari :
    — Louis-Henri,
mets tes mains ici.
    Il les pose
sur son ventre. Ses pupilles s’écarquillent :
    — Athénaïs !
    — Je suis
allée voir une devineresse...
    — Tu
crois en ces gens-là ?
    — Pas
toi ?
    — Moi, je
ne crois qu’en toi.
    — Ce sera un

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