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Le Monstespan

Le Monstespan

Titel: Le Monstespan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Teulé
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retrouveras
pas si malheureuse que tu penses et je suis assuré, ma dame, que quand le dépit
t’aura jetée dans mes bras l’amour y reviendra.
    Le plus
passionné des maris continue de t’adorer.
     
    Louis-Henri de Pardaillan,
    Marquis de Montespan, époux séparé quoique
inséparable.
     
    Le cocu glisse
sa missive pliée dans une enveloppe qu’il s’apprête à cacheter lorsque le
peintre de Montlhéry conseille :
    — Si la
lettre est pour votre femme, jointe à mon tableau, inutile de fermer
l’enveloppe. Au palais, le service de contrôle du courrier  – le
« cabinet noir » du roi  – interceptera vos mots.
    — Ah,
vous avez raison, reconnaît Louis-Henri. Alors le marquis, d’une insolence et
d’une morgue inversement proportionnelles à sa petite fortune, écrit sur le
verso de l’enveloppe :
     
    Aux salauds
et salopes qui entourent Sa Majesté et trouvent à se divertir dans ma
correspondance !

 
38.
     
     
    Ce jour de
décembre 1669 est une grande date. Louis-Antoine, petit marquis d’Antin, monte
pour la première fois sur une jument anglaise  – vieille et calme
guilledine qui va au pas sur les pavés de la cour du château. Le père admire
l’air de son fils, son instinct, son maintien à cheval alors que
Marie-Christine craint tellement les équidés.
    — Je n’ai
jamais vu enfant mieux planté en selle, le corps droit et les jambes comme s’il
eût été instruit. Regardez ça, Cartet. N’a-t-il pas vraiment l’air d’un
cavalier ?
    Le concierge,
en haut d’une échelle posée contre le portail rouge du castel, finit de
desceller quelques briques qu’il laisse tomber au sol, observe le fils du
marquis, se retourne et puis lance :
    — Tiens,
d’ici, je vois un carrosse qui s’approche, capitaine. Vous allez avoir de la
visite. Des gardes marchent à côté. Je crois que ce sont des dragons.
    — Des
dragons ?
    Montespan
apprécie les visites qui le distraient dans l’ennui de son lointain marquisat,
lui apportent quelquefois des nouvelles d’autres provinces et même de la cour,
mais pourquoi des dragons avec ce carrosse ? Il s’approche du portail
tandis que d’autres briques tombent. Le notable, qui descend du véhicule arrivé
devant le château, demande en lorgnant le concierge sur l’échelle :
    — Vous
faites des travaux, marquis ?
    — On
hausse le porche. C’est pour mes cornes.
    — Ah,
toujours ces gasconnades de mauvais goût...
    Une femme
inquiète et aux petits pas fatigués s’approche à son tour. C’est la mère de
Louis-Henri que le visiteur salue d’un « Bonjour madame. Comment
allez-vous ? ». Chrestienne de Zamet, depuis le retour de son fils à
Bonnefont l’an passé, est devenue bien vieillie, bien toussante, mais elle a
toujours de l’esprit :
    — Il est
recommandé de ne pas parler de ses petites misères physiques ni de ses enfants.
    — Êtes-vous
malade ? Vous soignez-vous ?
    — Je
prends force remèdes dont on compterait aussi tôt le nombre que celui des sables
de la mer. Que nous vaut l’honneur de votre visite, monsieur le représentant de
Sa Majesté en Guyenne ?
    L’intendant
porte une robe et des gants de point d’Angleterre. Il a le visage petit et
laid, beaucoup de cheveux qui le dispensent d’une perruque. À son haleine, on
sent qu’il s’est gâté l’estomac par le vinaigre dont il abuse. Il dit à
Louis-Henri :
    — Faites
rassembler dans une salle l’ensemble de vos gens. Il faut que je vous parle
devant eux.
    — Ah
bon ?
    Montespan
siffle brièvement entre ses doigts. « Cartet, descendez », puis il
appelle : « Madame Larivière ! Dorothée ! » La
cuisinière sort dans la cour, un torchon entre les mains, et la compagne de jeu
de Marie-Christine ouvre une fenêtre à l’étage : « J’arrive ! »
Ils rejoignent le marquis et Chrestienne de Zamet dans l’ancienne salle des
gardes. L’intendant étonné questionne Louis-Henri : « Est-ce
tout ? Vous n’avez pas d’autres domestiques ? »
    — Je ne
suis guère argenté, monsieur Macqueron... Et quand mon père a disparu, ce
printemps à Toulouse, l’héritage était si embarrassé de dettes, parce qu’il m’a
beaucoup prêté, qu’en fin de compte j’ai dû y renoncer.
    — Vous ne
me ferez pas pleurer sur l’état de votre fortune, marquis. Je ne connais
personne au monde qui pourrait s’enrichir autant que vous et si facilement.
    Un greffier
debout s’apprête à prendre des notes.

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