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Le Monstespan

Le Monstespan

Titel: Le Monstespan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Teulé
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que peut-être aucune médecine ne l’aidera
et les prières à peine. Cartet, effondré, dodeline de sa grosse tête devant Mme
Larivière s’en offusquant :
    — Qu’y
a-t-il, monsieur le concierge, qui vous met dans un si pauvre état ?
Est-ce ma personne qui vous donne du dégoût ?
    — Il ne
fallait pas parler du passé, madame Lariri...
    — Ah,
cessez avec ce vocable stupide ! Il n’y a plus de Mme Lariri, terminé,
basta ! Mme Lariri n’existe plus !
    — Et
pourquoi n’aurait-il pas fallu évoquer le passé ? demande Macqueron.
    — Madame
Lariri, vous venez de condamner à vie mon capitaine...
    — Hein ?
Quoi ? Qu’est-ce que vous dites ? Oh, mon Dieu !...
    La cuisinière
part en courant et s’arrachant les cheveux. Montespan, adossé contre les
pierres à nu d’un mur, s’écorche les mains de dépit sans s’en apercevoir
pendant que l’intendant s’approche de lui :
    — Ah ben,
dites-moi, il était temps pour les aveux. In extremis ! Quand je
pense que j’étais prêt à oser prendre votre parti, que je me disais :
« Quelle chose rare que cet amour constant du marquis dans un milieu où
l’indifférence conjugale fait partie du savoir-vivre ! » Et puis en
fait... Comme quoi les proverbes ont du bon : c’est en prêchant le faux
qu’on découvre le vrai. Mais je ne m’y attendais pas. Je n’ai même pas prévu
d’apporter le tampon à cachet officiel pour une arrestation en bonne et due
forme. Je reviendrai demain avec. Il vous reste l’après-midi et la nuit pour
régler vos affaires ici car je vous force à résidence dans ce castel. Les
dragons postés autour sont vos geôliers. À demain. Venez, greffier !
    Macqueron
laisse un Montespan hagard, déstabilisé par le souffle de son passage. Dehors,
Louis-Antoine joue avec des petits soldats et des fusils miniatures sur les
énormes cuisses de Cartet assis et accablé sur un muret devant les dragons qui
le reluquent. Louis-Henri comprend le risque qu’il encourrait à s’en remettre
aux décisions de justice. S’il se laisse prendre, il ne pourra plus jamais
faire entendre sa cause, on le mènera à Pignerol, près de Fouquet. Il soupire
et dit : « Je suis perdu. » Il contemple son château comme pour
la dernière fois, le chemin de ronde, le pont-levis, le large fossé à mur
d’escarpe crénelé, à cuvette profonde avec des entrées de souterrains de
manœuvre et de... fuite ?
    Mme Larivière,
au visage pulvérisé de honte et de remords, arrive vers le cocu :
« Que voulez-vous que je fasse ? Que je me jette dans la boue des
douves, que je prépare mes affaires pour m’en aller ? »
    — Non,
car Marie-Christine a besoin de Dorothée et parce que je suis bien placé pour
savoir qu’un dépit amoureux pousse à faire ou dire quelquefois des choses...
    — ... Que
je regrette, moi, Monsieur.
    — Pas
moi ! Mais allez plutôt vous rabibocher avec ce malheureux Cartet qui vous
aime tant, madame Larivière. Demandez-lui aussi d’aller chercher dans le
colombier le pigeon du seigneur de Teulé.
    — Ce
misérable noble, ruffian et faux monnayeur, auquel les marquis de la région
versent une petite rente pour qu’il ne tombe pas trop bas dans la crapule ?
    — Oui.
     
    Teulé,
     
    Avant la
nuit, veuillez attacher une monture à un arbre près du grand rocher à
l’intersection des deux allées qui se croisent dans mon bois.
     
    Montespan
     
    Louis-Henri
roule le message à la patte du pigeon voyageur. De ses ailes courtes, l’oiseau
s’envole, prend le vent et file directement vers le sud.
    La nuit venue,
le marquis traverse sur la pointe des pieds la chambre de sa fille qui dort
avec Dorothée. Il entre dans celle de Louis-Antoine, le prend dans ses bras et
lui chuchote à l’oreille : « Viens, on va aller monter à
cheval. »
    Sans
chandelle, son fils et des hardes sur un bras, il sort dans la cour par une
porte à l’abri des regards mais sa mère, qui tout à l’heure a entendu le
parquet craquer, l’observe maintenant à sa fenêtre :
    — Mon
pauvre garçon, si vous vous enfuyez vous risquez la condamnation par contumace,
la saisie de vos biens et la perte des titres de noblesse. Comblant les désirs
de Louvois, vous prenez maintenant tout à fait figure de sujet criminel...
    Elle essuie ses
larmes et dit beaucoup de prières en voyant son fils et son petit-fils
disparaître sous la dalle à l’entrée d’un tunnel. Leurs silhouettes s’effacent.
Elle

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