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Le Monstespan

Le Monstespan

Titel: Le Monstespan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Teulé
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ton de
l’émissaire est glacial comme la saison. Il se lève, marche d’un mur à l’autre
de la salle :
    — Que
celui qui a reçu les neuf onctions à l’huile de la sainte ampoule soit réduit
au triste rang des débauchés ferait un épouvantable fracas qui retentirait avec
horreur chez toutes les nations. Le roi m’envoie pour obtenir de vous un
acquiescement au fait accompli et la cessation de vos éclats publics. Combien
voulez-vous ?
    Lorsqu’on est
près du feu on brûle, mais sitôt que l’on s’éloigne, que l’on va dans le fond
de la pièce, le froid vous prend. L’émissaire revient près de la cheminée où
Montespan, accoudé, ouvre au hasard la page d’un livre de Tacite sur laquelle
il lit : « Dans Rome, tout courait à la servitude. »
    — Colbert,
reprend l’autre, censé trouver le temps de veiller à vos états d’âme tout en
s’occupant de problèmes aussi dérisoires que le gouvernement et l’économie de
la France, pensait au nom de Sa Majesté que cent mille écus pourraient aller.
J’ai dit écus ,je n’ai pas dit louis, c’est trois fois
plus.
    L’homme est
hautain et méprisant. Tandis que Louis-Henri scrute le chambranle autour de
l’ouverture de la cheminée, l’envoyé de Versailles ajoute :
    — Ainsi
que la prise en charge de vos dettes, bien sûr, et cela s’élève quand même à...
    — Comment
va ma femme ?
    — La
favorite du roi commence sa carrière féerique, devient l’incontestable reine de
France. Elle a poussé La Vallière aux Carmélites. Elle réclame qu’on la fasse
haranguer partout où elle passe. Elle possède un appartement de vingt pièces au
premier étage après la salle de Conseil du roi alors que la reine se contente
de onze pièces au second. Elle est l’ornement gracieux des réjouissances de la
cour. Sa traîne est portée par un pair de France tandis que la reine n’a qu’un
page pour s’occuper de la sienne. Fier d’une telle conquête, le roi prend
plaisir à la faire admirer comme il fait admirer ses bâtiments et jardins aux
notables étrangers qui passent à Versailles. Elle est enjouée, gaie, plaisante
avec le sel le plus fin. Tout amusement semble le sien. Aisée avec tout le
monde, elle a l’art de mettre chacun à sa place. La cour répète qu’il n’y aura
pas de guerre parce que Sa Majesté ne saurait vivre loin de la Montespan... Une
femme de chambre d’Athénaïs m’a confié à propos du roi : « L’envie
d’elle le prend trois fois le jour comme une grande fringale. Et dans son
impatience, il pousse jusqu’à la trousser devant les domestiques ! Mais la
marquise ne s’en voit pas mal à l’aise et passe volontiers sur les petites
incommodités que lui vaut pareille ardeur. » La libido du Roi-Soleil pour
votre femme se révèle aussi exceptionnelle que sa patience pourrait être
limitée envers vous. Deux cent mille écus !
    Montespan
entend dehors le chant des coqs, lespremiers coups de marteau d’un
forgeron, des grincements de roues de charrettes transportant des pierres de
construction, des barriques de vin, du foin pour les chevaux. Le marquis se
dirige vers une verrière polychrome tandis que l’émissaire poursuit :
    — Un
jour, votre femme assista en compagnie de Sa Majesté à une revue de mercenaires
allemands. Lorsqu’elle passa près d’eux, ils crièrent : «  Königs Hure !
Hure ! » (La putain du roi ! La putain !) « Que
disent-ils ? » demanda-t-elle. Lorsque plus tard le monarque voulut
savoir comment la marquise avait trouvé la revue, elle répondit :
« Parfaitement belle, je trouve seulement que les Allemands sont trop
naïfs d’appeler toutes choses par leur nom. » N’est-elle pas
drôle ? !... Comprenez que Louis veuille la garder à ses côtés,
d’autant plus que la Montespan recommence à porter des robes innocentes...
    Le cocu se
retourne :
    — Je vais
encore être père ?
    — Elle
sent à raison son pouvoir fortifié d’une nouvelle grossesse commençante. Mais
cette fois-ci, des précautions de sécurité exceptionnelles seront prises. Le
bâtard ainsi que ses frères et sœurs, sans doute à venir, seront logés, je peux
vous le dire, dans une jolie maison de la rue Vaugirard comprenant un grand
jardin entouré de hauts murs où les enfants joueront à l’abri des regards
extérieurs et protégés par des gardes. Pour élever sa progéniture, la favorite
a choisi de confier ses enfants à la vilaine veuve d’un

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