Le nazisme en questions
concentrée entre les mains de quatre compagnies, elle est réduite à une seule en 1942. La Chambre nationale du film impose une réglementation extrêmement stricte dans le domaine financier ainsi que dans ceux de la production et de l’emploi.
Projetées obligatoirement dans toutes les salles de cinéma, les actualités hebdomadaires revêtent une importance particulière. Ces documentaires constituent l’un des moyens de persuasion les plus efficaces. La puissance des images, souvent composées avec beaucoup de talent, l’emporte de loin sur celle de l’écrit et du discours. La production de films de fiction est également très soignée. Ils glorifient la nation allemande et son passé héroïque ( Frédéric le Grand de Veit Harlan), l’obéissance aux chefs ( Le Triomphe de la volonté de Leni Riefensthal), les vertus publiques et privées ( Le Retour de Gustav Ucicky), la simplicité des mœurs et la diffamation des ennemis anglo-saxons, bolcheviques et juifs ( L’Oncle Krüger de Hans Steinhoff, GPU de Karl Ritter ou Le Juif Süss de Veit Harlan).
Conçues comme des éléments essentiels du décor théâtral propre au III e Reich, la sculpture et l’architecture tiennent une place importante dans l’art de propagande nazi. Mais parmi les nombreux projets, peu sont réalisés. Au moins le gigantesque stade de Nuremberg témoigne-t-il du caractère grandiose de ces rêves de pierre. Architecte et ami personnel du Führer, Albert Speer prétend pouvoir exercer pleinement son talent créateur sous la direction de Hitler, sans toutefois mesurer vraiment sonrôle dans l’établissement du totalitarisme, si l’on en croit ses Mémoires .
En dépit de son culte des valeurs traditionnelles de la famille, de la paysannerie et de l’héroïsme militaire, le nazisme entend accomplir une « révolution de la pensée ». À la culture du XIX e siècle, trop imprégnée de l’exemple français à son gré, il oppose une culture issue du peuple germanique, un art susceptible de parler à tous et non plus à une élite, un « langage du sentiment » où la propagande doit tenir sa place tout en demeurant « invisible ». Le cinéma est le vecteur privilégié de cette culture populaire dont le moralisme bon marché contraste singulièrement avec l’immoralisme intégral affiché par le parti. Car si le III e Reich proclame la grandeur et les vertus des familles, il leur arrache les enfants pour les embrigader dans les Jeunesses hitlériennes.
L’un des grands thèmes de la propagande nazie est l’avènement d’un homme nouveau, vivant selon une éthique libérée des apports du rationalisme et de l’intellectualisme, du libéralisme et du marxisme d’origine juive. Pur aryen, il est un homme simple, qui se satisfait d’actes de bravoure et de l’obéissance à ses chefs. Ce modèle humain présenté dans les mouvements de jeunesse fournit leurs héros aux films nazis et aux artistes. L’apologie du sport impose ce surhomme à la société alors que les succès internationaux des athlètes allemands semblent témoigner de la réussite du nazisme.
Les Jeux olympiques qui se déroulent en 1936 à Berlin, dans un immense stade bâti pour la circonstance, marquent l’apogée du régime. L’organisation sans faille, le mélange de manifestations nazies et de compétitions sportives constituent autant d’apports à la propagande. Une cinéaste de talent, Leni Riefenstahl, en tire un grandfilm, Les Dieux du stade . C’est la première fois qu’une démonstration sportive permet une pareille exploitation politique.
Avant la guerre, Hitler se sert également de l’appel au sacrifice pour faire accepter à la population l’augmentation considérable des dépenses d’armement et la pénurie des biens de consommation. Pendant la guerre, l’effort militaire demande encore des sacrifices au peuple allemand pour assurer la victoire finale. Il ne s’agit donc pas seulement d’un renoncement légitime, dans l’espoir d’une société meilleure ou d’un Reich dominant l’Europe pour mille ans, mais d’un sacrifice qui trouve sa justification en lui-même, une vertu propre à la race aryenne. S’il rencontre peu d’écho auprès des anciennes générations, cet appel est entendu par les plus jeunes qui espèrent, jusqu’à l’effondrement complet du Reich, que Hitler trouvera un moyen de renverser la situation. Ils acceptent la mort avec la conviction qu’elle est la plus haute
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