Le nazisme en questions
expression de leur vocation d’Allemands.
À côté des messages destinés à la collectivité des Allemands, une propagande active vise à persuader chacun en particulier que l’État se préoccupe de son sort. Le monde ouvrier, le plus rétif au III e Reich, a perdu toute possibilité de revendication, de participation à la gestion des entreprises et de contestation. Si son revenu moyen s’améliore, ses conditions de travail empirent. Pour convaincre les ouvriers que le nazisme veille à leur bien-être, un « battage » considérable est fait autour de l’organisation du « Secours d’hiver », qui distribue la soupe populaire aux chômeurs et est patronée par le parti, puis autour des grands travaux, comme la construction des premières autoroutes, qui contribuent à résorber lechômage. Les corporations rassemblant patronat et salariés sous le contrôle de l’État sont censées résoudre les antagonismes de classe. L’association « La force par la joie » met ainsi sur pied des croisières en mer du Nord où patrons et ouvriers se côtoient devant les caméras.
Mieux disposée à l’égard du régime, la paysannerie n’est pas mieux traitée, bien que constamment louée par la propagande nazie qui, l’opposant à la population urbaine, l’érige en archétype du germanisme et de ses vertus.
Quel est l’impact réel de la propagande nazie sur les Allemands ? Tout indique qu’une très large fraction de la population conserve un sens critique aigu et que, même si nul n’ose s’attaquer en public aux maîtres de l’heure, une grande partie de la société reste consciente du caractère mensonger de leurs propos. L’antidote le plus répandu, c’est la « bonne histoire » qui les tourne en ridicule : colportée de bouche à oreille, elle dit tout bas le refus de gober tout ce que racontent les journaux et la radio. Mais cela ne signifie pas que la propagande soit inefficace auprès d’une jeunesse fanatisée par la Hitlerjugend par exemple. L’isolement de l’Allemagne dans le monde et celui de l’individu dans la société nazie ne permettent pas de distinguer le vrai du faux, et le matraquage médiatique ne reste pas sans effet.
L’Allemagne tout entière ne manifeste un réel enthousiasme à aucun moment des douze ans de pouvoir de Hitler et, de ce point de vue, la propagande totalitaire échoue. Mais le but du régime n’est pas là. L’essentiel, pour lui, est que les Allemands obéissent et, à de rares exceptions près, ils le font jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’au massacre parfaitement vain de centaines de milliers d’hommes, à un moment où la défaite est inéluctable. Sans la propagande, le Führer ne serait sans doute pas parvenu à un tel résultat qui atteste, par son absurdité, de l’efficacité des méthodes de Goebbels.
La violence est l’instrument par excellence de la politique étrangère nazie dans laquelle la propagande joue un rôle non négligeable, bien que secondaire. Ultranationaliste, le national-socialisme n’est pas un bon article d’exportation. En outre, il n’a jamais les moyens, même dans les pays occupés, de provoquer l’éclatement de la société traditionnelle, préalable indispensable au succès de sa propagande. Hors des pays occupés, les marges de manœuvre de celle-ci sont extrêmement limitées. De rares individus se laissent séduire par les thèmes nazis, et Hitler se trompe lorsqu’il espère que les minorités allemandes des États-Unis empêcheront leur pays d’adoption d’entrer en guerre contre leur patrie d’origine. Son ignorance du monde extérieur ne le prépare pas à y entretenir une action idéologique efficace.
Vaincus ou alliés, les pays occupés par les armées du Reich subissent une intense propagande destinée à faire accepter au peuple la politique de collaboration de ses dirigeants. Dès qu’ils contrôlent de nouveaux territoires, les nazis y introduisent leur censure et mettent la main sur la presse, la radio, la production et la distribution cinématographiques. Ils martèlent un leitmotiv : la cause défendue par l’Allemagne est celle de l’Europe, menacée par la ploutocratie internationale, les Juifs et le bolchevisme. L’exaltation du héros allemand corrobore l’évocation de conditions de paix plus favorables qui seraient accordées au pays s’il choisit la collaboration, notamment économique. Comme en Allemagne, cette propagande est associée à des
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