Le nazisme en questions
Reichsführer-SS qui regroupe des hommes d’affaires prêts à soutenir financièrement la SS.
L’édifice SS est construit de telle façon qu’il présente une solide hiérarchie de services spécialisés. Dans un discours de 1937 sur le caractère et la mission de la SS et de la police, Himmler évoque les cinq piliers sur lesquels repose son organisation. Il s’agit d’abord de la SS générale, dont les membres exercent une profession civile, mais s’entraînent régulièrement à des exercices sportifs et militaires. La SS armée est, elle, destinée à lutter contre le bolchevisme, à l’extérieur comme à l’intérieur du Reich. Les « troupes à tête de mort » fournissent le personnel de surveillance des camps de concentration. Le Service de sûreté comprend la Gestapo, la police de l’ordre ainsi que le service derenseignement du parti et de l’État. Enfin, l’Office pour la race et pour la colonisation doit garantir la pureté raciale du peuple allemand, prévoir et mettre en œuvre la colonisation de nouveaux territoires par des représentants de la « race germanique ». Après 1939, un sixième pilier vient compléter cette structure : l’Office central pour l’économie et pour l’administration (Wirtschafts- und Verwaltungshauptamt), qui est dirigé par Oswald Pohl, responsable des entreprises économiques de la SS, de la gestion des camps de concentration et de leur main-d’œuvre.
L’organisation complexe de la SS est sous-tendue par un projet politique à la dimension des ambitions du III e Reich. Ainsi, la première mission du corps d’élite de Himmler est d’incarner l’idéologie nationale-socialiste, de représenter et d’éduquer l’« homme nouveau ». À l’origine, c’est le NSDAP qui aurait dû assumer ce rôle. Mais, en raison des impératifs de la compétition électorale dans les dernières années de la république de Weimar, il a été contraint d’abandonner son caractère élitiste pour devenir un rassemblement de masse.
C’est Heinrich Himmler qui se charge de faire de la SS une sorte d’« Ordre » où l’expression de conceptions ataviques se mêle curieusement à l’emploi des moyens techniques les plus modernes, où le perfectionnement bureaucratique va de pair avec l’emploi de la violence et de la terreur. Sa devise, « Ton honneur est ta fidélité », lui a été donnée par Hitler en 1930, quand elle a maté la révolte de la SA à Berlin. Cette « fidélité » ne s’applique cependant ni à un idéal ni à des institutions, mais à la seule personne de Hitler. La soumission de la SS au Führer est d’autant plus totale que ce dernier seveut l’incarnation de la nation allemande et de ses valeurs.
Car l’idéologie SS repose sur un cadre de référence « biologique ». Elle se fonde sur la conviction de la supériorité de la race des Germains. Celle-ci illustre le concept social-darwiniste de la lutte incessante de l’espèce, de la victoire du fort sur le faible, concept qui conduit implicitement à l’idée d’un expansionnisme illimité. Cet impérialisme est d’ailleurs légitimé par le mythe agro-romantique d’un peuple manquant d’« espace vital » (Lebensraum) . Or, dans l’idéologie nazie, l’espace européen est limité d’un côté par un Occident décadent et de l’autre par un Orient plein de promesses. L’expansion du III e Reich ne peut donc se réaliser qu’à l’Est : on retrouve dans cette thèse hitlérienne le célèbre Drang nach Osten (poussée vers l’Est), lié au souvenir de l’Ordre des chevaliers Teutoniques ( XII e siècle).
Enfin, l’idéologie SS revêt un caractère pseudo-religieux. Elle se présente comme une sorte de contre-ordre face au christianisme, assimilé par Himmler à « la plus grande peste dont ont été frappés les Allemands au cours de leur histoire ». Le Reichsführer-SS veut créer une morale diamétralement opposée aux valeurs chrétiennes de charité, de pitié, d’amour du prochain et d’humilité. Pour autant, il n’est pas partisan de l’athéisme, mais prône un théisme (Gottgläubigkeit) . Cette croyance en l’existence d’un Dieu présente aussi un avantage tactique : elle permet à la SS de se ménager une audience dans des couches sociales qu’une idéologie matérialiste aurait rebutées. En outre, elle fait de Hitler l’envoyé de la Providence dont la volonté transcende celle des hommes et dont les ordres,
Weitere Kostenlose Bücher