Le nazisme en questions
« multinationale » a cessé d’être une élite. Car, en raison des pertes humaines qu’elle subit – elle est envoyée sur les fronts les plus meurtriers –, la Waffen-SS est contrainte d’amoindrir la sévérité de ses critères d’admission et sa cohésion interne s’en ressent, comme celle de tout l’empire SS.
À l’extérieur, la guerre permet au Reich de trouver les ressources économiques et la main-d’œuvre qui lui manquent. Elle lui garantit aussi le recrutement de nouvelles forces « germaniques ». Cette politique d’exploitation brutale des territoires soumis à la domination hitlérienne est mise en œuvre dès l’Anschluss de l’Autriche en 1938 et le « démembrement » de la Tchécoslovaquie en 1939. Mais elle n’est pleinement appliquée qu’à partir du début du second conflit mondial : d’abord en Pologne, dans une certaine mesure en France, et surtout en Union soviétique.
Il est impossible d’évoquer ici tous les crimes commis par la SS entre 1939 et 1945. Les mots ne suffisent d’ailleurs pas à les décrire. En Pologne, les groupes et les commandos spéciaux de la SS sont responsables del’organisation du génocide juif, de l’élimination des élites intellectuelles ainsi que des déplacements de population consécutifs à la « germanisation » du pays. Ces commandos, d’abord mobiles, puis stationnaires, sont spécialisés dans les actes de « liquidation » et de représailles. Ce sont eux qui anéantissent toute la population masculine du village tchèque de Lidice en juin 1942, après l’assassinat de Heydrich, ou qui détruisent Oradour-sur-Glane en France, le 10 juin 1944. C’est encore la SS qui a en charge l’administration des camps de concentration et l’organisation de la politique d’extermination du III e Reich.
Par son idéologie, ses méthodes et le fonctionnement de ses différents services, la SS est exemplaire du système nazi. Elle crée continuellement de nouveaux services, comme dans une parthénogenèse, double ou pénètre les anciennes structures. Elle s’intègre à la « polycratie » caractéristique du III e Reich où chaque institution tente de maintenir, de consolider ou d’élargir son pouvoir. La SS est au centre de cette lutte. Tout en demeurant une organisation du NSDAP, elle le concurrence, car elle prétend seule exécuter la volonté du Führer. Le Reichsführer-SS Himmler compte alors nombre d’adversaires acharnés dans les rangs du parti : Martin Bormann, chef de la chancellerie du Führer et son secrétaire personnel ; Joseph Goebbels, le puissant ministre de la Propagande, Gauleiter de Berlin et commissaire pour la Défense du Reich ; Alfred Rosenberg, chef de l’Office pour les relations extérieures du parti et, après 1941, ministre des Territoires occupés à l’Est ; Fritz Sauckel, plénipotentiaire pour les questions de main-d’œuvre, et Joachim von Ribbentrop, ministre des Affaires étrangères et, depuis 1940, général SS. Enoutre, presque tous les Gauleiter, en particulier ceux qui occupent les postes de commissaires du Reich dans les territoires occupés, sont hostiles à Himmler.
La SS parvient cependant à acquérir une position de force dans deux secteurs décisifs. D’une part, dans la police, qu’elle contrôle totalement, surtout après que Himmler est nommé ministre de l’Intérieur en 1943. D’autre part, dans l’appareil militaire, grâce au développement de la SS armée et à la nomination de Himmler à la tête des troupes de réserve de la Wehrmacht (armée de terre), après l’attentat contre Hitler en juillet 1944. Le Reichsführer-SS a alors presque réalisé pour la SS l’ambition que Röhm avait pour la SA : faire d’elle l’armée du nouvel État.
Enfin, la SS réussit à investir massivement le domaine économique. L’organisation d’Oswald Pohl contrôle quatre grandes activités : l’administration et l’intendance des troupes SS, les camps de concentration et de travail, les constructions de la police et de la SS, la direction des entreprises SS. Car, à la fin de la guerre, l’organisation de Himmler possède plus de quarante entreprises qui regroupent elles-mêmes plus de cent cinquante usines. Elle fabrique des matériaux de construction, des produits de consommation, des textiles, du cuir, et elle est engagée dans différentes entreprises forestières, agricoles ou d’exploitation de carrières. En utilisant le réservoir de
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