Le neuvième cercle
les plus dignes funérailles nationales de toute l’histoire du III e Reich. Evidemment, cette disparition brutale fut suivie, dans tous les services de sécurité et de renseignements, de règlements de compte et de réhabilitations. Ernst Kaltenbrunner, successeur d’Heydrich et Autrichien, ne pouvait que réintégrer « son ami » Höttl, Autrichien également, et en faire rapidement le second de Walter Schellenberg, le jeune chef du contre-espionnage.
Depuis longtemps le rêve des fausses livres, « arme économique absolue », s’était évanoui. On puisa quelques liasses dans la première caisse livrée pour gonfler les portefeuilles d’espions envoyés en mission. Himmler, Kaltenbrunner, Funk et surtout Schellenberg étaient opposés à ce que ces « faux », remis à des intermédiaires, soient transformés en devises fortes et authentiques par des opérations de change.
Et les services secrets, comme tous les services secrets, se trouvant toujours trop pauvres, Wilhem Höttl, sur ce terrain difficile, manœuvra à merveille. Par l’intermédiaire d’un commerçant allemand, Friedrich Schwend, établi à Rome, et correspondant du S.D., il acheta de nouvelles et nombreuses amitiés qui se révélèrent loquaces et, par leurs indiscrétions, permirent l’élimination du gouvernement du gendre de Mussolini, le comte Galeazzo Ciano, ministre des Affaires étrangères. Hitler, voyant dans ce remaniement un renforcement du fascisme en Italie, demanda des explications.
— Tous les indicateurs ont été payés à l’aide de fausses livres… Si nous pouvions…
Hitler, en éclatant de rire, donna son accord au véritable démarrage de l’« Entreprise Bernhard ».
Schwend et ses différents réseaux de change allaient ainsi mettre sur le marché plus de cent millions de livres, et les services secrets financer leurs meilleurs agents occasionnels comme « Ciceron » qui reçut 300 000 fausses livres pour ses vrais renseignements que von Ribbentrop jugeait faux.
Londres s’inquiéta rapidement :
— Au xcii cours de l’année 1943, une quantité alarmante de faux billets de banque anglais était parvenue à Londres, en provenance de Zurich, Lisbonne, Stockholm et autres villes de pays neutres. Ils arrivaient par paquets de un million de livres sterling, ou davantage, et la qualité de l’imitation allait en s’améliorant. Bientôt les experts anglais durent reconnaître que ces billets étaient fabriqués par des spécialistes d’une rare habileté et mis en circulation par une bande remarquablement bien organisée.
— Sur ces entrefaites, on arrêta à Edimbourg un espion allemand. Déposé par un hydravion au large de la côte d’Ecosse, il avait gagné le rivage dans un canot pneumatique. Sa valise était bourrée de billets. C’était la fausse monnaie la plus parfaite que la Banque d’Angleterre ait jamais vue.
— On comprit alors, en haut-lieu, que le faux-monnayeur recherché était le gouvernement allemand lui-même et que le crédit même de la Grande-Bretagne risquait fort d’être compromis. Depuis de longues années, d’un bout à l’autre du monde, les billets émis par la Banque d’Angleterre jouaient sur le marché monétaire un rôle presque analogue à celui de l’or. En Europe et en Asie, les gens craintifs les thésaurisaient pour se prémunir contre une dépréciation possible de leur propre monnaie. Et maintenant, des centaines de milliers de fausses livres sterling circulaient sur le marché, hors de Grande-Bretagne. Le moindre doute émis, dans les pays neutres et alliés, sur leur authenticité, pouvait avoir, surtout en pleine guerre, les conséquences les plus graves, non seulement pour la Grande-Bretagne mais pour la cause alliée. La Banque d’Angleterre dut, en fin de compte, se résigner à l’inévitable.
— Aussi la stupéfaction fut-elle grande dans le monde de la finance lorsque la Banque d’Angleterre fit savoir xciii qu’elle procédait au retrait des billets anglais de toutes valeurs pour les échanger contre des billets de 5 livres, d’un type nouveau ! Passé une certaine date, tous les anciens billets cesseraient d’avoir cours !
— Devant un parlement abasourdi, le chancelier de l’Échiquier expliqua, avec réserve, que le gouvernement avait été amené à prendre cette décision pour plusieurs raisons, en particulier parce qu’on s’était aperçu que des quantités de billets en circulation étaient faux.
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