Le neuvième cercle
sa formation professionnelle. Deux jours après cette visite, il quittait cependant le « kommando » pour être dirigé sur le camp central d’Auschwitz où il partagea le sort de neuf autres prisonniers enfermés comme lui dans le block II en exécution d’une mesure de quarantaine. Donc, de toute évidence, il se tramait quelque chose d’extraordinaire. En attendant, les détenus se livraient à toutes sortes de suppositions dominées par l’espoir en une amélioration de leur condition, en un transfert hors de ce « camp de la mort ». Ils ne pouvaient évidemment pas deviner ce qu’on allait exiger d’eux.
— À la fin de la quarantaine, sept S.S. arrivèrent de Berlin pour les prendre en charge. Après un nouvel examen du dossier de chacun d’entre eux, on les amena à la gare pour les embarquer dans un train ralliant directement la capitale du Reich. Inutile d’ajouter que ces malheureux croyaient rêver en se voyant installés dans un rapide composé de wagons de voyageurs. Mais, ainsi qu’ils devaient l’apprendre en cours de route, Berlin ne représentait qu’une étape dans un voyage dont le terme se situait à Oranienburg. Oranienburg ? Il ne pouvait s’agir que d’un autre camp de concentration… Le passage du « seuil de l’espérance » n’était pas encore pour cette fois !
— Parvenus à destination, on commence par leur imposer un nouvel isolement, réduit toutefois à une semaine. Et c’est pendant cette retraite que se renforça leur conviction d’avoir été choisis pour servir des objectifs vraiment sensationnels.
— Les gardiens S.S. les appelaient « ceux d’Auschwitz » et observaient à leur égard un comportement très correct. Les blocks 18 et 19 furent désignés aux nouveaux arrivants comme devant être leur lieu de travail ; en apercevant ces baraques, ceux-ci sentirent s’évanouir leurs derniers espoirs. Réaction bien naturelle de la part de captifs qui avaient pourtant déjà atteint les limites de la déchéance humaine. Imaginez plutôt des constructions entourées d’un épais réseau de fils de fer barbelés en défendant, du sol jusqu’au faîte, l’entrée ou la sortie. La seule porte donnant accès aux blocks se trouvait constamment verrouillée, de nuit comme de jour, et il fallait sonner pour se faire ouvrir. Le portier était un S.S. appartenant au S.D. ; les autres membres S.S. n’avaient pas le droit de pénétrer à l’intérieur de ces bâtisses. C’était là tout ce que les transférés avaient tout d’abord pu réunir en fait de renseignements. Personne parmi les détenus du camp n’avait jamais réussi à communiquer avec les occupants.
— Le lendemain de leur arrivée, les prisonniers furent témoins d’une scène qui confirma pleinement les déclarations faisant état de cette ignorance : la porte des blocks 18 et 19 s’ouvrit pour permettre au personnel de se rendre aux lavabos en suivant un itinéraire qui passait devant la cellule des hommes en quarantaine et aussitôt des sentinelles S.S., munies de mitrailleuses et d’armes automatiques, se précipitèrent pour former une double haie au milieu de laquelle défila la colonne de détenus. Celle-ci refit en sens inverse le même chemin après quoi la porte se referma et les soldats se dispersèrent.
— Les prisonniers originaires d’Auschwitz ayant été reconnus aptes physiquement, ils reçurent à l’expiration de leur claustration, la visite d’un S.S. – Hauptscharführer – adjudant S.S. ; son nom était Werner. Ils prirent en sa compagnie la direction des blocks 18 et 19, à l’intérieur desquels ils s’engagèrent à la suite de l’officier. C’est alors que parvint à leurs oreilles un ronronnement de machines qui les reporta en pensée au temps lointain où ils exerçaient en hommes libres leur métier. Mais ils ne tardèrent pas à se retrouver plongés dans la réalité de l’heure, car déjà l’Allemand entreprenait de leur expliquer qu’ils n’auraient pas intérêt à se soustraire à leurs nouvelles obligations.
— Ici, leur dit-il, on fabrique des billets de banque anglais. Vous allez vous employer à faire de votre mieux pour vous associer à cette activité. Et n’essayez pas de vous livrer à du sabotage ou de contacter les autres prisonniers du camp. Sans quoi c’est le poteau qui vous attend…
— L’exploitation était axée en premier lieu sur la fabrication de livres anglaises, imprimées en
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