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Le neuvième cercle

Le neuvième cercle

Titel: Le neuvième cercle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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longuement, très longuement, avec un médecin puis, toujours sans un mot, il se dirigea vers sa « chambre », prit toutes ses provisions qu’il dissimula dans sa veste et alla les remettre au docteur. Ce dernier, alors, s’absenta une bonne heure (j’ai su plus tard qu’il avait été au Revier des S.S. où il avait pu obtenir des ampoules et une seringue). Il fit une piqûre à l’abbé, le traîna dans la paille et l’enveloppa dans une couverture, comble de confort ! Le lendemain, il fut hissé dans un camion ouvert à tous les vents, avec d’autres malades, assis sur une caisse où avaient été tassés plusieurs morts et, dans cet équipage, conduit à 70 kilomètres, au Revier de Mauthausen, un peu mieux équipé. Là, il fut pris en affection par un infirmier catholique qui s’occupa de lui, le soigna et réussit à le faire affecter comme employé à l’infirmerie. De cette façon, il s’en tira et revit la France à la Libération. Cela grâce à Orak cxvi .
    — Le kapo responsable des cuisines : Martin (nous disions Martine) et son adjoint : « der dick » (le gros) étaient bien. Rien à dire contre eux. Martin, Allemand de Bavière, en camp de concentration depuis douze ans, avait tellement été battu qu’il était complètement déhanché. Comme Orak, il ne voyait jamais rien lorsque nous nous procurions et sortions des suppléments pour les camarades du dehors, ou alors par des hurlements, à la méthode allemande, s’adressant à tous et à personne, il signalait un danger. Pour le personnage représentant le danger, une telle attitude était la preuve et une marque d’autorité.
    — « Der dick », était effectivement énorme, lui aussi incarcéré depuis de longues années, ne s’occupait jamais du personnel gravitant autour de lui. Il s’occupait uniquement du dosage des matières devant entrer dans la composition des soupes, mais aussi et surtout de ses trafics personnels. Martin était un « rouge », donc un condamné pour opinions politiques, le Gros était un « noir », donc un droit commun. Un jour, on voit arriver dans les cuisines, revolver et cravache aux poings, tout l’état-major S.S. du camp. Hurlant comme des possédés, bavant de rage et de colère, ils se ruent sur le Gros et le rossent terriblement. N’importe quel animal recevant une correction pareille serait mort sur-le-champ. Lui n’émettait pas la moindre plainte et restait, sous les coups, dans un garde-à-vous impeccable. Si un coup plus fort le jetait à terre, il se relevait aussitôt. Autant vous dire que nous avions, de notre côté, vidé les lieux. Le motif de cette exécution ? Ils traînent le Gros dans le réduit où il vivait, découvrent, sans chercher, une valise pleine de pierres précieuses, d’or, de valeurs diverses : une véritable fortune, qu’il s’était procurée en trafiquant la promesse de son aide aux nouveaux arrivants, les Juifs en particulier, très habiles pour cacher ces objets de valeur sur eux. Il avait certainement été dénoncé et vendu par quelques jaloux. Encore miraculeusement en vie, il est conduit à la Straffkompanie où il mit encore un certain temps à mourir.
    — Maintenant, il me faut parler d’un personnage particulièrement pittoresque, vivant pratiquement dans les cuisines. Willy, un S.S. d’une trentaine d’années, ancien séminariste bavarois, je crois, gros et plein de santé, mais terriblement froussard. En 1944, il n’était pas allé, même un seul jour, au front. Le front, surtout le front de l’Est, était sa terreur ; il avait aussi une peur effroyable des bombardements aériens. Sa mission aux cuisines était de veiller au bon ordre, ce qu’il faisait, et d’interdire tout trafic, ce qu’il faisait très mal.
    — Enfin il y avait le Hauptscharführer (adjudant) S.S. Strieckel. C’était le responsable du ravitaillement de toute nature destiné au camp (vivres, charbon, etc.). C’était une brute sanguinaire, jouant du revolver pour un oui, pour un non, une terreur qui faisait le vide dès qu’il arrivait quelque part. C’était en particulier le bourreau de notre père Combanaire qu’il laissa plusieurs fois inerte sur le carreau. Combanaire, parlant de lui, le désignait encore, quinze ans après, avec une intonation haineuse, sous le terme de : « cette ordure ». Cependant, je dois honnêtement reconnaître qu’il était d’une conscience professionnelle remarquable, réussissant, sans mesurer sa

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