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Le neuvième cercle

Le neuvième cercle

Titel: Le neuvième cercle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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peine, à trouver, alors qu’il n’y avait plus rien, plus de transports, tout étant désorganisé partout, un minimum de nourriture et le combustible indispensable pour la cuire. Je crois également, sans en être absolument certain, qu’il était le seul parmi les S.S. à ne pas trafiquer. Néanmoins, ce sauvage, rattrapé à la Libération, fut immédiatement fusillé par les déportés, ses victimes.
    — C’est au bout des cuisines, reliées par une porte que se trouvaient les « pluches ». Voici, parmi d’autres, deux Français qui y travaillaient, tous les deux arrêtés pour résistance. Le chanoine Sigala, âgé d’au moins soixante-cinq ans, petit, trapu, carré, des yeux perçants, un accent de son terroir qui faisait plaisir à entendre. Il rouspétait sans cesse contre tout, les kapos, les Allemands qui, habitués, le laissaient dire ; il était muni d’un bâton lui servant de canne. Personne ne peut dire l’avoir vu au cours des rassemblements et des déplacements, où il fallait impérativement marquer la cadence en frappant le sol du pied gauche, se mouvoir autrement qu’à contretemps et en râlant. L’autre, Claude Rivât, un peu plus jeune, ingénieur chimiste dans un laboratoire de parfumerie et qui, pour nous, était Cado-Ricin. Lui aussi était muni d’une canne qui ne lui servait pas à marcher mais qu’il brandissait au-dessus de sa tête d’un air furieux en grommelant : pour faire le vide autour de lui. Ces deux « anciens » avaient un moral d’acier qui faisait du bien à tous, il y aurait beaucoup d’autres camarades à citer, qui ont marqué leur passage au camp de leur personnalité, mais je n’en citerai plus qu’un. Voilà dans quelles circonstances j’ai fait sa connaissance.
    Nous étions à Melk depuis quelques jours et je me trouve à côté d’un Français avec qui j’engage la conversation. Il dit s’appeler C…, être originaire de G… (ville que je connaissais bien). Je lui demande sa profession, il me répond « tôlier ». « Alors, lui dis-je, tu vas pouvoir me rendre service en me réparant, si possible, la boîte trouée dont je me sers pour la soupe. »
    — « Espèce de c…, tu sais ce que c’est qu’un tôlier ? » me répondit-il.
    — « Oui, c’est un artisan qui travaille dans la tôle.
    — « Eh bien moi, je ne suis pas ça, je suis le patron des bordels de G… ! »
    — Qu’importe ! C… s’est révélé pour moi, par la suite, un ami très sûr, très fidèle et combien efficace. Son amitié avait de la valeur car il savait se faire craindre et respecter. Personne ne lui cherchait noise, d’autant plus qu’il avait la riposte rapide et énergique et qu’il ne se laissait jamais brimer sans réagir avec violence. Dans l’ambiance où nous vivions, une amitié pareille était sans prix.
    — Tout au début de Melk, nous logions au premier étage du garage, au-dessus des futures cuisines. La nuit, il fallait se dévêtir entièrement et se coucher nus. La nourriture, presque uniquement aqueuse, avait sur nos vessies des effets fréquents. Il fallait se lever et descendre dans le noir, simplement couvert d’une couverture, vers les w.-c. qui se trouvaient au bas de la rampe, dans la cour. Ces promenades répétées étaient un cauchemar, d’autant plus que des kapos, pour s’amuser, se cachaient, en embuscades, sur le parcours et assommaient, les blessant gravement, les malheureux obligés de sortir. Dans la nuit, l’on entendait les cris des victimes de ces sévices.
    — Une nuit, je vois arriver près de moi C… qui me dit de m’habiller et de venir avec lui. « Ne pose pas de questions, me conseille-t-il, on va rigoler. » Une des nuits précédentes, il avait été attaqué et il s’était juré de se venger ; les promesses de C… étaient toujours tenues. Le moment était venu. Il me donne un des deux manches de pioches, encore munis des ferrures servant à fixer l’outil et il m’explique :
    — « J’ai repéré l’emplacement où les matraqueurs se cachent, j’ai aussi étudié la façon d’arriver sur eux par derrière à l’improviste et de les rosser à notre tour. »
    — Aussitôt dit, aussitôt fait. Avec des ruses de Sioux, de tas de briques en tas de briques, l’on arrive sur le dos de trois kapos à l’affût. Nos manches entrent en action. Je n’aurais jamais cru que des crânes puissent avoir une telle résonance quand on tapait dessus ! En un clin

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