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Le neuvième cercle

Le neuvième cercle

Titel: Le neuvième cercle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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responsables, tout en nous menaçant de terribles sanctions. Alors matraquage pour matraquage, j’ose, avec aplomb, chose inouïe, lui dire qu’il n’y avait pas de sabotage de notre part mais erreur ou incapacité de la part de celui qui avait fait les plans que nous avions rigoureusement respectés. Plans sur table, je lui montre l’erreur que, pas trop bête pour un S.S., il admet sans discussion. Il me dit : « Du Baumeister (architecte) ? » J’étais déjà « Ingenior » ; pourquoi pas aussi « Baumeister » ?
    — Quentin (le spécialiste compétent) et moi (l’amateur) avons été désignés pour construire, dans un coin, une petite chambre destinée à Willy, le S.S. séminariste. Il était chargé de la surveillance et passait tout son temps dans les cuisines, du matin au réveil jusqu’au soir où les « Heizers » chargés de la préparation du café y étaient enfermés à clé pour la nuit. Willy était fainéant : il vivait péniblement ses journées à traîner sa peau en bâillant. Il attendait, avec impatience, ce local où il allait installer un mobilier de chambre à coucher et y faire de bonnes siestes. Les cloisons étaient en briques de très mauvaise qualité, grises, ternes, irrégulières. L’automne avec les mauvais jours était là. Nous étions bien au chaud, à l’abri, au calme, donc nous n’étions pas pressés de terminer ce travail, que nous nous appliquions à réaliser impeccablement. On montre à Willy qu’en frottant les cloisons avec du papier on arrivait à leur donner du brillant, puis ensuite qu’en passant au lait de chaux les joints de ciment, on rendait la chambre plus claire et plus gaie. Avec soin et une grande lenteur, on exécuta ces différents travaux. Willy venait souvent voir le résultat, approuvant et admirant.
    — Quentin avait un défaut terrible : il était fumeur et souffrait terriblement d’être privé de tabac. Un matin, arrivant sur le chantier, pas de Willy mais sur la table, au milieu de la pièce, bien en vue, un paquet de cigarettes entamé. Evidemment, Quentin se précipite. Je l’arrête, sentant un piège et, en effet, sur une commode, dans un angle, une grande serviette cachait quelque chose. On voit, sur la serviette, des fils qui, déplacés, auraient indiqué notre indiscrétion. Pas de doute, c’était un piège ? Prudemment, sans rien bouger, on aperçoit sous la serviette des victuailles diverses. Sur une table de toilette, comme oublié, un morceau de savon, chose très rare pour nous, inexistante même.
    Nous ne touchons à rien. Tard dans la matinée, apparition de Willy qui, directement, avant toute chose, va examiner le paquet de cigarettes, les compte, puis la serviette et, satisfait de son inspection, très gentil, se tourne vers nous. Alors, du haut de mon échafaudage, je lui dis ce que je pense : « Sachant que nous sommes démunis de tout, affamés, c’était inqualifiable de laisser à notre portée des tentations pareilles… que si nous avions été des voleurs, etc. Qu’il ne recommence pas un truc comme ça, mais que s’il était gentil il nous donne au moins le savon dont nous avions le plus grand besoin. » Du coup, Quentin hérita quelques cigarettes et il nous donna en plus du savon quelques galettes qu’il prit sous la serviette. De ce jour, notre réputation était faite ; la confiance la plus totale nous fut accordée, nous étions au-dessus de tout soupçon. Cependant, il n’y eut pas de plus grands « comme ci, comme ça », de plus fieffés « gross filous » que nous ! Nous étions bien placés pour cela aussi, les plus adroits « piqueurs » de tous ceux qui pullulaient dans le camp. La quantité de marchandise dérobée aux Allemands, que nous avons fait sortir au profil des camarades du dehors, est incroyable et cela dura des mois, tous les jours, souvent plusieurs fois par jour quand c’était possible.
    — Le travail de maçonnerie terminé, Quentin et moi avons donc été définitivement affectés au kommando des cuisines (Küchekommando), comme « Heizers » (chauffeurs ». Cela aux environs de la mi-septembre 1944. Nous y sommes restés jusqu’à l’évacuation du camp (15 avril 1945). C’était la place idéale pour pouvoir aider au maximum nos malheureux camarades ayant des conditions de vie atroces à l’extérieur. Nous avions des devanciers et des concurrents experts dans ce genre de mission. Les Russes, les Polonais, les Espagnols, déjà

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