Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le neuvième cercle

Le neuvième cercle

Titel: Le neuvième cercle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
Vom Netzwerk:
introduits un par un. Un bruit sourd, et c’était fini. Et malgré l’interdiction de regarder par la fenêtre, en me levant un peu je pouvais voir un tas de cadavres à côté de ma fenêtre. Je me rappelle qu’une espèce d’écume sortait de leur bouche. Nous étions donc là, dans ce block, tous candidats à la mort car, en plus, il y avait les autres malades considérés comme irrécupérables.
    — Un cas me revient à l’esprit. Il s’agit de mon camarade Stok. Il avait, en plus, une cuisse énorme et il me disait en blaguant : « Tu vois, encore un petit effort et je serai, de loin, le plus gros du block. » Il n’en eut pas le temps. Un matin l’infirmier vint le chercher. Comme ce n’était pas l’heure de la piqûre, Stok se laissa emmener, sans protester, râlant seulement contre l’infirmier qui le portait sans aucun ménagement. Il lui disait, retrouvant l’argot parisien : « Et Toto, vas-y molo ! Tu me trimbales comme un paquet de linge sale ! » Mais, contrairement à ce que l’on pouvait penser, c’était bien pour être piqué qu’il était emmené. En effet, à peine fut-il introduit que j’entendais ses cris : « Mais pourquoi ? Pourquoi ? » Et puis, un bruit sourd, c’en était fini de mon camarade.
    — J’attendis un bon moment puis, regardant par la fenêtre, je vis son cadavre qui resta là jusqu’au lendemain matin où il fut emmené au four crématoire avec les morts du soir. J’étais là depuis déjà cinq jours.
    — Il existait, à l’entrée des w.-c., un détenu qui contrôlait le nombre de fois que nous allions à la selle et, au-dessus d’un certain chiffre, les malades étaient condamnés. Moi, qui étais rentré au block 31 en déclarant que j’avais la diarrhée, alors qu’il n’en était rien, j’évitais facilement d’aller aux w.-c. J’y allais normalement, une fois par jour, ce qui ne manqua pas d’attirer l’attention du médecin polonais qui vint vers moi, me disant : « Vous êtes rentré au Revier. Vous êtes là depuis quelques jours et vous n’allez pas plus d’une fois aux w.-c. C’est bizarre, je ne comprends pas ! » Il me fallait trouver une explication. Je lui dis qu’il y avait eu erreur, que j’avais déclaré à la visite que je souffrais de douleurs terribles à l’estomac, mais je n’avais jamais dit que j’avais la diarrhée, j’étais plutôt constipé.
    — Il me dit que ma place n’était pas dans ce block, que je risquais d’être contaminé. Il s’absenta et revint au bout d’un moment avec un morceau de pain noir – comme en recevaient les Polonais dans leurs colis – et un bol rempli d’un liquide noirâtre. Il me dit de manger le pain et ensuite de boire le liquide. Je mangeai bien le pain mais, au moment de boire le liquide, je fus saisi d’une appréhension. Je crus sûrement qu’il s’agissait d’un poison. Cela peut paraître idiot étant donné la situation du block 31. Ce geste pouvait m’apparaître, tant nous étions conditionnés, comme quelque chose d’hostile. Je m’étais lourdement trompé. Le docteur polonais revint au bout d’un moment, me demandant si j’avais bu et mangé. Mais là, persistant dans mon erreur, je lui trouvai un air bizarre, comme étonné que je sois encore en vie. Je lui déclarai que oui, mais que j’avais vomi, pensant par là trouver une explication valable. « Bon, me dit-il, ça va ! Prenez votre couverture et venez avec moi. » Je le suivis, envahi par le doute. Il m’emmena au block 28 où je retrouvai le docteur Marian, celui qui m’avait, je peux le dire, sauvé la vie. Il me reconnut et je commençai à reprendre confiance. Il me fit allonger sur une table puis il revint avec un long caoutchouc. Je compris alors qu’il allait me faire un tubage et, soudain, tout s’éclairait en moi. Le pain et le liquide, c’était pour me préparer. Il introduisit le caoutchouc et le retira. Et, n’ayant pas trouvé sans doute ce qu’il pensait, il réintroduisit une seconde fois et il se mit à parler avec son collègue dans leur langue. Le docteur du 31, se tournant vers moi, me dit : « Vous avez bien fait ce que je vous ai dit et vous avez bien vomi ? » Alors, je réalisai complètement. Le pain et le liquide : un vomitif pour permettre de prélever quelque chose dans mon estomac. Il n’était pas question, pour moi, d’avouer mon erreur, car je suis sûr que cela aurait eu de graves conséquences. Le médecin dit

Weitere Kostenlose Bücher