Le neuvième cercle
jusque vers 16 heures environ. De temps en temps, nous entendions des rafales d’armes automatiques. Nous nous sommes reposés dans les taillis, tout en discutant de ce que nous allions faire. Nous avons alors décidé d’attaquer une ferme dans l’espoir de trouver de la nourriture car nous n’avions rien mangé depuis la veille à midi, et moi depuis plusieurs semaines je ne mangeais pas grand-chose, car j’étais très énervé en pensant à l’évasion. Nous sommes donc partis de notre cachette et avons marché un moment vers un groupe de maisons, lorsque nous avons vu une vieille dame dans la forêt. Nous nous sommes planqués, sauf le Yougoslave qui a abordé cette personne pour lui demander où se trouvait le maquis. À plusieurs reprises elle lui a fait voir la ferme que nous devions attaquer. Après quelques instants nous avons vu le Yougoslave lever les bras en l’air et un type armé qui le tenait en joue. Ils nous ont fait signe d’approcher ; ce que nous avons fait. Immédiatement, nous avons été encerclés par une dizaine de partisans dont un parlant un peu le français ; son père était gardien de notre camp ! « Gendarme autrichien » – très bien – jamais une brutalité, peut-être le seul du camp. Ces partisans nous ont conduits au P.C. où nous avons été nourris puis interrogés.
— Une demi-heure après : alerte ! Deux cents S.S. étaient à nos trousses. Nous sommes partis dans la montagne avec tous les partisans, pendant plusieurs heures. Nous sommes ensuite redescendus à la ferme où nous sommes restés plusieurs jours. Nous étions bien nourris et soignés, car moi j’étais couvert de furoncles et de phlegmons : le pus me sortait de partout.
— Nous voulions rester dans ce maquis, mais ils n’ont jamais voulu nous garder, car nous étions trop près du camp. Il y avait souvent des attaques de la part des S.S. et nous étions toujours habillés en rayé et la boule à zéro.
— Nous sommes donc partis de maquis en maquis, accompagnés de plusieurs partisans. Nous sommes repassés en Yougoslavie. Entre Loubliana et Zagreb, nous avons été obligés de traverser la rivière La Save en pleine nuit. Nous étions peut-être une cinquantaine, peut-être plus. Une route longeait cette rivière et était sévèrement gardée par des militaires. Les patrouilles la parcouraient sans arrêt. Il fallait rester cachés dans un chemin creux, traverser la route et sauter dans un petit bateau à rames, par équipe de cinq ou six hommes. Je faisais partie du troisième ou quatrième tour. Lorsque nous sommes arrivés au milieu de la rivière, un Italien a crié : « On coule ! On coule ! » Pris de peur, nous avons tous sauté à l’eau, sans connaître la profondeur et, la plupart, sans savoir nager et avec un courant très fort, l’eau glacée – nous étions fin novembre. Heureusement, nous n’avions de l’eau que jusqu’à la poitrine ; nous sommes revenus au point de départ. Nous étions trempés et gelés. La journée suivante, nous étions cantonnés dans une ferme abandonnée, sans manger et toujours frigorifiés car nous n’avions pas le droit de faire du feu pour ne pas signaler notre présence à l’ennemi.
— Un certain jour, les partisans nous ont laissés une journée entière dans un champ recouvert de neige, à je ne sais combien d’altitude. Nous étions séparés les uns des autres, de crainte que nous soyons découverts par des patrouilles S.S. Nous sommes restés assis chacun au pied de son arbre.
— Un autre soir, nous sommes arrivés dans un village occupé par les partisans. Ceux qui nous accompagnaient sont entrés dans une ferme après nous avoir laissés dans un chemin. Nous sommes restés toute la nuit accroupis, sous une grosse roche. Il a neigé toute la nuit. Il faisait très froid. Au petit matin, nous sommes allés à la ferme. Les partisans se sont excusés en disant qu’ils nous avaient oubliés.
— Le lendemain, deux partisans nous ont conduits dans une forêt éloignée du village. Je crois que nous sommes restés là deux jours. La nuit nous couchions dans une petite cabane de montagne servant à engranger du foin. Le jour, les partisans nous faisaient sortir pour rester debout en pleine forêt et sans abri, avec comme habillement notre tenue de bagnards. Les chaussures n’existaient plus. La nourriture : un bouillon clair, un os sans viande, mais beaucoup d’« asticots ».
— Plusieurs fois les
Weitere Kostenlose Bücher