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Le neuvième cercle

Le neuvième cercle

Titel: Le neuvième cercle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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plaisantait et, comme il avait une faim inextinguible, les S.S. s’en servaient pour les corvées du camp, car il ne pouvait faire autre chose que pousser une brouette, étant donné l’atteinte de ses facultés motrices. Au bout de quelques mois, il était devenu assez gras, étant nourri avec tous les restes de ces messieurs. Son rôle principal était d’emmener des brouettées de déchets jusqu’au tas d’ordures à l’entrée du camp, et de les y entasser. Un jour, pour je ne sais quelle raison, peut-être les avait-il insultés dans sa demi-folie, ils décidèrent de s’en débarrasser.
    — Alors qu’il était sur ce gros tas d’ordures avec sa capote rayée, ils lui tirèrent une balle dans le dos, et le pauvre Tsotsoria s’écroula vers l’avant, toujours comme un automate, sur ce tas qu’il avait contribué à édifier.
    — Il m’appartint avec un autre camarade de l’emmener jusqu’au crématoire. Son corps gisait dans les lavabos du camp sur une table, et il n’était revêtu que d’une chemise. Nous le chargeâmes sur une sorte de brancard qu’on appelait une « trague » et qui servait à transporter légumes, rutabagas et pommes de terre. Marchant l’un derrière l’autre en portant ce malheureux corps plié dans la caisse de la trague, suivis de deux S.S., nous empruntâmes le chemin de ronde qui entourait les barbelés et nous descendîmes vers la gorge où coulait un torrent de montagne auprès duquel était érigé le bûcher. Je me souviens de ce parcours au cours duquel nous essayions de nous rappeler toutes les prières des morts pour ce malheureux.
    — « Du plus profond de l’abîme, Seigneur, Seigneur nous crions vers toi…
    « De profundis…»
    — Le crématoire était composé d’un tas de troncs d’arbres juchés en quinconce les uns sur les autres. C’est inouï, curieux, de penser combien il faut de bois pour détruire un corps humain. L’entassement mesurait plusieurs mètres de haut et l’ensemble était de la taille d’une petite maison. Nous balançâmes le corps de Tsotsoria sur le haut du bûcher et le S.S. lui enleva sa chemise. Il restait nu, le dos tourné vers le ciel. Du trou qu’avait fait dans son dos le coup de fusil, gicla encore un peu de sang sur sa peau mate.
    — Il était de règle que les bagnards ne restent pas auprès du crématoire une fois qu’on y avait mis le feu. Un des S.S. nous ramena au camp tandis que l’autre, après avoir arrosé d’essence le bûcher, l’alluma. Il brûla pendant longtemps…
    *
    * *
    — Antreten les mineurs !
    — Il lv faut nous précipiter sur la place d’appel du kommando sud. Les mineurs de l’équipe de jour arrivent. Il est 2 ou 3 heures de l’après-midi en cette fin de novembre 1944.
    — Peters, mon bon camarade, me fait les gros yeux ; lui sait de quoi il retourne. Nous pas. En route vers le tunnel que nous traversons et, au côté nord, nous trouvons les mineurs. Combien sommes-nous ? Soixante ? Soixante-dix ? On nous donne à chacun une couverture et, je crois, une boule de pain. Voyez un peu ce capital de rêve…
    — « Loss, loss…»
    — Nous voici dans les camions, accompagnés de nos anges S.S. et de leurs chiens. En route vers l’Autriche. Nous arrivons dans une petite gare. Les rails apparaissent à peine, noyés dans la neige. Deux wagons sont à notre disposition avec paille et, tenez-vous bien… un poêle ! Les Français sont en tête, moi j’avais repéré le milieu. Zut ! un rang de trop à l’arrière… Je ne serai pas avec mes copains : Hardy, avec qui je fais équipe au marteau, mon ami, mon voisin de lit, et Koltmann, notre kapo (désigné par nous). Je suis avec des Allemands et des Polonais. Je m’efforce de m’installer près de nos camarades Kurt et Willy, mais je me retrouve auprès d’un S.S. et du chien qui va devenir pendant le voyage mon affectueux copain.
    — Je ne sais pour combien de repas la boule de pain était prévue, mais pour la majorité d’entre nous, au petit jour, elle était engloutie.
    — Quel « parfum » dans le wagon mêlé à l’odeur des rutabagas ; une véritable auto-asphyxie… !
    — « Scheiss » disaient nos deux S.S., et ils ouvraient un peu la porte, mais c’était tout. Avouez que cette attitude était un peu singulière.
    — Et le poêle chauffait…
    — Ce sont les Allemands qui sont de tinettes. Ce sont eux aussi qui ramènent de la « soldaten » le même café pour nous

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