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Le neuvième cercle

Le neuvième cercle

Titel: Le neuvième cercle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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que pour les S.S. Il en sera de même à midi et le soir. C’était impensable mais vrai.
    — Les wagons roulaient à travers la campagne et les montagnes autrichiennes. Où allions-nous ? Il était difficile de s’orienter dans ce pays tout couvert de neige. Dans chaque petite gare, il y avait deux ou trois locomotives sous pression et d’autres éventrées, ce qui faisait plaisir.
    — Mais voici le Danube et, bientôt, la gare de Mauthausen. Aïe, aïe, nous sommes revenus dans cet enfer auprès duquel notre petit kommando était presque un paradis. Je vois un Français qui charge des betteraves. Je lui dis :
    — « Tu es Français ?…»
    — « Je suis Georgeti, de Radio-Toulouse », me répondit-il.
    — Le commandant du camp arrive. C’est l’angoisse. Il discute avec les S.S. puis renvoie son chauffeur. Au bout d’un moment, celui-ci revient avec un bon morceau de derrière de bœuf, du pain et des couteaux. L’officier demande aux Allemands de couper la viande, il veille à ce que les parts soient bien égales, fait mettre du charbon dans les poêles et l’on nous sert d’authentiques beefsteacks cuits à point ou saignants suivant les goûts.
    — Le commandant repart. Nous passons la nuit dans nos wagons. Le lendemain matin, nos deux wagons sont raccrochés à un train et nous partons en direction de Linz. Puis nous roulons vers Salzbourg, puis nous bifurquons vers l’est-sud-est et nous nous engageons dans les montagnes.
    — J’ai demandé à rejoindre les Français. Mais c’est un « non ». Je reste donc dans ce wagon les pieds chauds dans mes galoches bien sèches. Nous avons l’autorisation de descendre sur le quai, je vais me débarbouiller avec de la neige.
    — Et nous revoilà à Klagenfurt et peu après à notre petite gare de départ où nous attendent les camions pour nous ramener à Loibl-Pass. Combien a duré ce voyage ? Cinq, six ou sept jours peut-être, mais j’ai bien pris deux ou trois kilos… et des poux.
    — En arrivant au block que je suis très heureux de retrouver après ce voyage dans l’inconnu, je demande à Peters un peu d’ersatz pour me laver car je n’aime pas que mon dos soit pris pour vélodrome. Du linge propre après la douche, ensuite la coupe de cheveux et la barbe.
    — Je vais reprendre ma place dans l’organisation illégale, assumer la liaison avec les partisans qui dure depuis le 13 mai et poursuivre ma cure de rutabagas.
    — Pourquoi avions-nous été traités ainsi au cours de cet étrange périple ? Mystère… Nos bourreaux avaient fait la preuve qu’ils pouvaient se conduire autrement qu’en assassins, voire ne pas obéir aux ordres reçus. Peut-être est-ce sur l’intervention de l’entreprise que nous étions revenus ainsi à notre point de départ.
    — On peut tout supposer.
    — Mais pour nous ce fait nous a paru tellement rare dans les annales de la déportation que nous l’avions appelé le « Voyage de Noces ».
    *
    * *
    — S’évader !
    — Mais il y a trop de neige !
    — Justement ! Cette neige va faciliter l’évasion de Marcel Aubert et de ses camarades. Marcel Aubert qui avait préparé la première tentative de novembre 1943… et n’avait pas, depuis, désespéré. Marcel Aubert, le dernier évadé du Loibl-Pass.
    — Le lvi 21 novembre 1944, il y avait eu une abondante chute de neige : le sol était recouvert de 50 à 100 centimètres de neige. Nous étions quatre déportés français, travaillant comme électriciens : Backer et Moreau, électriciens de profession ; Ménard, étudiant en sciences à la faculté de Rennes et moi-même, devenu électricien par l’inspiration du « Schreiber » espagnol qui avait rempli ma fiche administrative le jour de mon arrivée à Mauthausen. À la question : « Profession », j’avais répondu fièrement : « Officier de Marine. » Il m’avait regardé dans les yeux et murmuré : « Je suis Espagnol, j’ai l’expérience des camps, fais-moi confiance. Oublie ton passé et n’en parle jamais si tu tiens à la vie. Tu n’as jamais été officier, mais électricien. Étant donné tes études, tu dois être capable de te débrouiller en électricité, et cette profession pourra éventuellement t’avantager. »
    — Je fus affecté au premier kommando du Loibl-Pass comme électricien ! Je m’y suis « débrouillé » effectivement, mais aidé d’une chance incroyable : trois civils professionnels, avec lesquels nous

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