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Le neuvième cercle

Le neuvième cercle

Titel: Le neuvième cercle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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ayant appris la présence d’une confrère déporté libéré veut l’accaparer ; mais les dispositions sont prises, nous ne pouvons revenir sur nos différentes invitations.
    — Durant les quelques jours nécessaires à l’aboutissement des démarches pour notre évacuation, nous vivons dans une véritable euphorie. Pour le déjeuner, c’est dans une boulangerie où l’on me sert force gâteaux. La boutique borde la route et l’arrière de la maison donne sur un très grand jardin, traversé par la rivière. La patronne a installé une chaise longue sous les ombrages auprès de laquelle elle a placé quelques livres français. Elle me fait comprendre que je dois me reposer là et, chaque jour, vers 5 heures, elle m’apporte, toute souriante, un plateau avec le thé, le lait et les brioches. Partout où nous allons nous sommes l’objet de ces délicates attentions. Quel dommage de ne pouvoir s’exprimer ! Ainsi, chacun de nous, où qu’il soit, est traité comme un pacha jusqu’au dimanche, jour où Yanouch nous informe enfin que le lendemain matin, lundi 21 mai, un car nous emmènera à Klagenfurt où nous trouverons des autorités anglaises qui se chargeront de notre rapatriement.

III
GUSEN II
    Au cours de l’année 1943, l’administration centrale S.S. décida de créer, dans la dépendance territoriale de Mauthausen, un centre d’habillement pour ses troupes. La main-d’œuvre nécessaire au fonctionnement des ateliers de tailleurs, de transformation, de récupération, et des différents services de blanchisserie et de désinfection devait être fournie par le camp. Près de Gusen, à moins de 500 mètres du mur d’enceinte, limité par la propriété d’un maraîcher, la route Mauthausen-Linz et le chemin de fer à voie étroite construit pour évacuer le granit des carrières, un vaste terrain était disponible. Un kommando de Gusen, dirigé par le kapo Ludwig Gœtz, monta les premiers baraquements au cours de l’hiver 43-44. Quelques mois plus tard, l’administration centrale des camps décidait d’abandonner le projet de création du centre d’habillement et de convertir « lieux et locaux » en camp de concentration « vu l’affluence des détenus, à Mauthausen en particulier ».
    — Gusen lxiii II : bagne des bagnes, enfer des enfers, le camp de la mort, le camp du meurtre, le camp du suicide, le camp de la folie. Où êtes-vous, tous mes camarades qui êtes entrés, un matin d’avril 1944, dans ce camp ouvert pour nous, et vous autres qui êtes venus, en incessants renforts, combler les vides, renforcer nos rangs ?
    — Gusen II : le camp dont on ne parlera pas parce qu’il était un camp d’extermination et que tous y sont morts ou presque.
    — Gusen II, dont le nom seul fait trembler ceux de Gusen I, ce camp qui passa pour être le plus terrible des kommandos sous la tutelle de Mauthausen.
    — Gusen II et sa monstrueuse usine souterraine.
    — Gusen II, après Buchenwald, après Mauthausen, après Gusen I, c’est la fin de la voie sur la ligne de la grande aventure, c’est le butoir après lequel il n’y a plus rien : que la nuit, que la peur, que la mort.
    — On ne revient pas en arrière, on ne va pas de Gusen II à Gusen I ou à Mauthausen.
    — Ici nous sommes tous bons pour la casse. Il n’y a qu’une porte de sortie : la grande, celle qui passe par la cheminée.
    — Le camp, à son ouverture, comptait quatre blocks ; quelques mois après, il en avait dix-neuf. Les baraques sont beaucoup plus grandes que dans tous les autres camps où nous avons passé. Dans sa forme définitive, le camp a une population beaucoup plus forte que celle de Gusen I.
    — Une cinquantaine de milliers d’hommes sont morts dans ce camp ou dans la montagne où ils creusèrent vingt-huit kilomètres de galeries.
    — De lxiv jour et de nuit un train, entraîné par une locomotive poussive, fait la navette entre le camp et l’usine souterraine de Saint-Georgen, amenant et ramenant sa cargaison de bagnards d’un enfer à un autre… Le voyage de nuit est un calvaire venant s’ajouter aux autres. Les wagons étant à ciel ouvert, les S.S. exigent que nous soyons assis, le menton touchant les genoux. Nous sommes recroquevillés, agglutinés, tassés à coups de bottes et de crosses de fusils. Afin de décourager toute évasion, des projecteurs placés en tête et en fin de convoi complètent les précautions de surveillance. Au moindre murmure, les

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