Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le neuvième cercle

Le neuvième cercle

Titel: Le neuvième cercle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
Vom Netzwerk:
complètement transformé. Je ne l’avais jamais vu autrement qu’en bagnard et nous nous amusons bien de sa transformation. Il me présente à deux fortes femmes qui semblent être Allemandes et sœurs, et m’explique qu’elles demandent que je les suive. Ce que je fais avec empressement. Elles me tiennent chacune par une main pour ne pas me perdre dans la foule des danseurs. Les gens que nous croisons s’en amusent : on dirait qu’elles viennent de m’arrêter. Après une assez longue marche au cours de laquelle elles n’ont pas cessé de me parler, en allemand je suppose, sans que je les comprenne, elles m’introduisent dans une coquette petite maison où, avec force gestes, elles me font comprendre que je dois les attendre dans l’entrée. Depuis si longtemps que je n’ai vu autre chose que des cellules de prison ou des baraquements de bagnards, j’examine tout avec curiosité et m’émerveille de la propreté. Elles réapparaissent bientôt, les bras chargés de linge et de vêtements, et m’entraînent à proximité dans une autre petite maison où il faut descendre des marches. Là se trouvent d’autres personnes occupées à quelques travaux de ménage, qui abandonnent aussitôt ce qu’elles font pour se précipiter vers moi, bras ouverts, mains tendues, avec force éclats de rires et de voix que je comprends être des souhaits de bienvenue. Mes deux Allemandes donnent leurs paquets à une jeune fille qui m’entraîne dans une arrière-salle où elle me montre une grande bassine pleine d’eau claire, des brocs pleins, du savon, une brosse à ongles, une brosse à dents toute neuve, gants de toilette et serviettes. Elle me montre une fenêtre au pied de laquelle passe une rivière à fort courant et me fait comprendre par gestes que je peux me déshabiller tout entier, jeter mes hardes dans la rivière et revêtir tout ce que les Allemandes ont apporté. Elle se retire dans la première pièce et referme la porte pour que je fasse tranquillement ma toilette. J’ai l’impression de vivre un rêve depuis ce matin : manger à sa faim, se laver, se vêtir, tant de choses simples et ordinaires de la vie de chaque jour que nous avions oubliées depuis des années… à tel point que je me sens tout gauche et ne sais par où commencer. J’examine les paquets posés près de moi : des chaussures, des chaussettes, un caleçon, une chemise neuve et épaisse, une cravate neuve, une casquette, neuve également, et un costume sport gris en parfait état. Ces femmes ont visiblement donné ce qu’elles ont trouvé de meilleur et je suis touché de tant de sollicitude. Je me déshabille, jette mes hardes dans la rivière, je les regarde sans regret s’en aller, emportées par le courant, et je procède à une toilette consciencieuse. Je m’habille et ne me reconnais pas moi-même. Ainsi nanti, je reviens dans la première pièce où attendent les personnes de la maison. C’est un éclat de rire général : les femmes tournent autour de moi, me palpent aux épaules, me font tendre les bras ; le costume est évidemment un peu grand et je comprends à leur mimique qu’elles vont m’en procurer un autre ; elles me font signe de m’asseoir pendant que deux des femmes sortent en courant et reviennent, peu après, avec un autre costume qu’elles placent devant moi. Je rentre me changer dans mon cabinet de toilette et reviens aussitôt à la satisfaction générale. Je retrouve mes deux Allemandes qui me reconduisent auprès de mes amis.
    — Et la fête continue. On crie, on chante, on danse, les camarades s’égaillent dans le village. Chacun a son logement assuré d’avance tant les gens ont mis d’empressement à nous accaparer. Bien déçus paraissent ceux arrivés trop tard qui ne peuvent loger aucun de nous. Je suis logé avec Yanouch dans une jolie petite chambre à deux lits, dans la maison des deux Allemandes. Yanouch m’explique que ce sont deux sœurs dont les maris, anti-hitlériens, ont été déportés et dont elles sont sans nouvelles. Nous devions prendre nos repas chez elles mais les voisins se sont insurgés ; dès lors qu’elles ont le privilège de nous loger, d’autres doivent avoir celui de nous nourrir. Nous déjeunerons chez celui-ci et dînerons chez cet autre ; le petit déjeuner encore ailleurs pour que tout le monde en ait. Chacun de ceux qui s’offrent nous montre le chemin pour nous rendre chez lui. Le soir même, nous dînons chez le docteur du village qui,

Weitere Kostenlose Bücher