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Le neuvième cercle

Le neuvième cercle

Titel: Le neuvième cercle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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seraient envoyés au camp, et plusieurs baraquements furent aménagés en vue de leur arrivée, car nous étions les premiers.
    — Le soir, nombreux furent les camarades prisonniers, venant aux nouvelles sur notre vie de déporté, et quelle fraternité !… Vous vous en souvenez, n’est-ce pas ?
    — Dès le lendemain, le coin des déportés de Gusen s’organisait. Tous les Français trouvés sur les routes étaient dirigés sur ce camp et, comme nous devenions nombreux, je fus désigné à la répartition des vivres pour les camarades déportés. Nous sommes restés là jusqu’au 21 mai, date à laquelle les camions sont venus nous chercher et nous emmener à l’aérodrome de Linz, via la France.

IV
LES FAUX-MONNAYEURS
    15 février 1945.
    Le block 20, redevenu opérationnel douze jours après la grande évasion des six cents détenus soviétiques lxxv , est livré « clés en mains » à trois officiers supérieurs qui, murmure-t-on dans les « milieux bien informés »… des employés de bureaux, ont débarqué à Linz d’un avion spécial.
    — Commission d’enquête sur l’évasion ?
    — Probablement.
    Les visiteurs ne s’attardent qu’une heure.
    16 février 1945.
    Branle-bas de combat dans les kommandos permanents de monteurs de fils, plombiers, maçons, menuisiers qui doivent, sous quarante-huit heures, doubler les protections de barbelés électrifiés, tirer plusieurs lignes de force du transformateur vers le block 20, élever des cloisons, installer deux w.-c. et une cabine de douche, monter les châlits nécessaires à cent quarante personnes, récupérer des bancs, des tables, des bureaux, des lampes de bureaux…
    — Tout ça pour les nouveaux Kugel ?
    — Non ! c’est réservé aux survivants du complot contre Hitler.
    Pendant une dizaine de jours, les bruits les plus fantaisistes circuleront dans tous les milieux du camp sur la destination du block 20 « rénové ».
    — Une chose est certaine : les peintres n’ont reçu aucun ordre… Il y a du sang séché partout… Si le « 20 » était réservé aux « hôtes de marque », ils auraient au moins nettoyé.
    — Ils ont cependant équipé les lits de sacs de couchage et de couvertures.
    — On verra bien !
    Ils verraient bien ! D’ailleurs, le front se rapprochant, les préoccupations des déportés de Mauthausen et de la direction clandestine du Comité international de la Résistance étaient bien éloignées du block 20.
    1 er mars 1945.
    — Ils arrivent demain ! Tous les camions disponibles doivent attendre à la gare…
    — Veinards ! Nous on a fait la route à pied.
    2 mars 1945.
    Le capitaine Bernhard Krüger piaffe sur le quai de la petite gare de Mauthausen. Il campe au village depuis trois jours dans la salle paroissiale réquisitionnée en 1939 par la mairie et qui sert, de moins en moins, aux réunions et aux fêtes du Parti. Ce retard, s’il en doutait, est la preuve de la désorganisation générale des voies de communication. Cinq jours pour effectuer ce voyage Oranienburg-Mauthausen… et le train était prioritaire ! Pourvu qu’il n’ait subi ni mitraillage, ni bombardement !
    Les S.S. qui débarquent le rassurent.
    — Tout est en place. Hommes et machines. Pas de tentatives d’évasion.
    Salomon Smolianoff se penche à la porte coulissante du « wagon à bestiaux ». C’est bien la gare de Mauthausen : le « Patron » n’a pas menti. Salomon est le seul déporté du convoi de cent trente-quatre prisonniers à avoir séjourné longuement à Mauthausen. Ses amis du « kommando Bernhard » (prénom du capitaine Krüger) lui ont demandé, tout au long du voyage, de raconter et raconter le camp. Les hommes depuis leur évacuation d’Oranienburg sont persuadés, comme tous les « porteurs de secret » qu’ils vont être liquidés à leur arrivée.
    — Mauthausen est bien un camp d’extermination ?
    — Oui, bien sûr, mais ils n’auraient pas entrepris cette longue évacuation avec tous les wagons de matériel pour nous gazer à la descente du train.
    — Sans nous les machines n’ont aucun intérêt.
    Smolianoff, seul véritable droit commun du groupe est à la fois haï et admiré par les autres détenus. Il est bien sûr criminel et « presque collaborateur » (ancien kapo à une époque où les politiques ne tenaient aucun rôle dans la hiérarchie des camps) mais l’ensemble du kommando reconnaît sa compétence tout à fait exceptionnelle et son

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