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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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son crâne résonnait toujours du tumulte de ce déshonorant horion.
    Lance au poing, Tristan galopa vers l’Anglais. Ils se saluèrent en levant le bois devant les échafauds d’où sourdaient des murmures. Tristan s’approcha aussi près que possible de cet homme dont l’armure à la couleur d’eau semblait neuve. Le bassinet à la visière en truffe (380) déclose, arborait une poignée de plumes de paon que n ’accompagnait aucun emblème. Et le bouclier était noir.
    – Messire, je vous ai costié de temps en temps, surtout à Séville. Nous avons même parolé. Je vous ai aperçu, ensuite, avec votre bras senestre dans des attelles…
    – Je l’avais eu rompu jusqu’à l’épaule. Un Breton plein de pœsté 129 . Ce jour-là, j’ai trouvé mon maître.
    – Vous paraissez guéri, mais je sais, par Calveley, que votre épaule est fragile… Je sais aussi que vous avez grande renommée de dureté envers vous-même.,. Je sais encore que vous aurez la chair hardie et osée de courir contre moi, mais j’aurais déplaisance à frapper votre targe et je serais marri de vous meshaigner…
    Tristan voyait dans l’orbe du bassinet anglais un visage sanguin piqueté de barbe blonde. Un nez camus, des yeux dont le soleil accroissait le bleuissement. La bouche large aux lèvres fines se plissa dans un sourire dépourvu de satisfaction.
    – C’est une belle et sage précaution que vous prenez là, Castelreng. Je vous en sais bon gré… Or, vous-même venez d’être malement atteint : vous saignez et je vous sens dolent.
    Tristan se pencha :
    – Il est vrai que je saigne et que je suis dolent. Or, ce serait déchoir que de ne point poursuivre.
    – Il est vrai.
    – Je ne tirerai aucun bénéfice à vous frapper ni vous à m’atteindre.
    – J’en conviens.
    Oui, ils se fussent liés d’amitié sans que l’Anglais lui fit sentir qu’il servait Édouard III et son fils aîné ; sans qu’il se permît lui, Castelreng, d’oublier qu’il servait Charles V après avoir servi son père, le roi Jean. Ils étaient nés pour la guerre comme d’autres naissaient pour l’autel, mais cela n’empêchait pas un mutuel respect au contraire.
    – Vous ne renoncez point, Castelreng ?
    – Je ne le saurais, messire. Ce serait forligner 130 . À moins que vous ne renonciez vous-même.
    – Je ne le saurais. Voyez : mon blanc cheval a envie de courir.
    Ils s’étaient tout dit. La foule grondait. Ils se séparèrent et, par un accord tacite, chacun conserva sa visière déclose.
    « Il aurait dû s’abstenir. J’en aurais fait autant. »
    Il y avait pourtant eu, entre eux, une indéniable et forte connivence. Mais à quoi bon délibérer puisque leurs décisions coïncidaient.
    –  Messire Castelreng, on vous attend. Veuillez-vous mettre en place.
    Maréchal de lice ou juge diseur ? Tristan obéit. La lance pesait lourd. La guige de son écu appuyait sur sa spallière, aggravant le feu de sa blessure.
    – Son cheval n’a pas de houssement. On dirait une happelourde (381) .
    La rage avait cessé de cheminer en lui. Face à Gournay, il se refusait à en recouvrer les délices. C’était pourtant une œuvre de haine que l’autre , devant lui, espérait accomplir. Dieu en serait l’arbitre équitable ou injuste.
    L’Anglais leva sa lance et Tristan l’imita. Les trompettes sonnèrent. La foule les enveloppa l’un et l’autre de ses regards, de ses cris et de ses préférences.
    « Va Malaquin… Qu’on en finisse ! »
    Ils n’étaient plus séparés que par dix ou douze toises quand le coursier de Gournay s’écarta de la barrière.
    « Il avait couché sa lance. Il la relève ! »
    Tristan contraignit Malaquin à s’éloigner, lui aussi, de la palissade rehaussée de pourpre et d’azur et dont les festons ventilaient.
    Ils se croisèrent. Ils savaient l’un et l’autre que cette course serait sans récidive et sans vainqueur. En revenant chacun sur son aire, ils se saluèrent et entraperçurent, simultanément, un sourire de connivence. Et déjà, les juges entouraient l’Anglais, déjà des protestations bruissaient autour de sa personne. Quoi ? Il avait osé épargner le Franklin !
    Paindorge s’avançait, incrédule.
    – Il a eu peur ou en aviez-vous convenu ?
    – Nous n’avions pas envie de nous outrepercer.
    – Tant mieux, messire. Mais vous êtes pâle et claquez des dents.
    Il y avait dans les yeux de l’écuyer la même flamme qu’avant toute

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