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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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atteint en son milieu, et certainement pénétré. Le choc l’envoya heurter son troussequin cependant que Malaquin, pour rétablir sa course, s’écartait de la barrière.
    Quant à Grailly, s’il n’avait pas chu, il hurlait, effrayé, en lâchant son tronçon de lance.
    – L’épaule ! hurla de loin Paindorge.
    Tristan laissa Malaquin achever son galop et revenir au pas. Il lui fit accomplir un lent demi-tour et observa son adversaire.
    Du sang coulait de la spallière senestre du captal de Buch, qui, après une hésitation, se déprenait de son écu. L’épaule était non seulement navrée : le bras de fer, maintenant, pendait tout entier le long du flanc du vaincu.
    « Je l’ai salement meshaigné ! L’ardeur des Castelreng bout en moi mes-huy (372) . »
    Il passa devant les bouhourds et cette fois salua les gentilfames d’une main qui semblait pleine de fourmis. « Bon sang ! Quel coup ! » Certaines donzelles étaient debout. La princesse Jeanne et ses compagnes abalourdies se concertaient à voix basse. Soudain levée, Tancrède battit des mains. Elle fut la seule. Une rumeur s’éleva, sans doute réprobatrice, mais déjà le vainqueur que peut-être quelques-unes exécraient s’inclinait devant le prince.
    Sans souci de passer pour un présomptueux, Tristan releva sa visière et s’inclina derechef, heureux que Malaquin dansât un peu pour exprimer leur commun plaisir.
    – Monseigneur… dit-il simplement.
    Si peu qu’il eût vu Édouard, son dépit l’avait enchanté. Le prince avait le visage blême, fermé, des gens chez qui la stupéfaction a brisé le jaillissement de la fureur et qui digèrent péniblement leur malerage. En revenant vers ses compagnons, il se dit que Tancrède s’était comportée sans doute comme lors de ses premiers flux : inquiète, ébahie, fiévreuse – et superbe. Paindorge s’avança aussi vélocement qu’il le pouvait.
    – Grailly va recevoir des soins dans son tref. Il avait fantasié (373) sa victoire. Vous l’avez désinfatué !
    – Mieux vaut ça que mourir. Il a fauté pour me buquer avant que je ne puisse l’atteindre. Mais Malaquin m’a sauvé. Regarde : sur l’herbe, là-bas : son sauvage à la peau noire a perdu une oreille !
    – Vous avez frappé fort. Que vous a dit le prince ?
    – Rien. Comme un cheval qui a ses nerfs, il ronge sa baverelle (374) .
    Ils rirent mais c’était de l’affectation. La frayeur commençait à les mordre aux entrailles.
    – Qui, maintenant ? demanda Aylward.
    – Nigel Loring, annonça Shirton. Je reconnais son écu : cinq roses rouges sur fond d’argent.
    Ces roses, le favori du prince Édouard les arborait en touffe sur son heaume.
    – Défiez-vous des épines, dit Paindorge… Son gros roncin est paré de blanc comme une pucelle qui se marie… Allons, messire, avalez votre carnet (375) .
    Ce fut fait. L’écuyer plaça une nouvelle lance dans une main fiévreuse.
    – Défiez-vous ! Cet homme est petit : son coup sera bas.
    Il y eut une nouvelle sonnerie de trompettes. Cette fois, Tristan crut entendre un héraut hurler :
    –  Laissez-les aller ! Faites vos devoirs !
    Les Goddons voulaient-ils stimuler leurs champions ?
    « Merdaille !… Cet hommelet a un cheval puissant !… Un vrai cheval de lance ! »
    Tristan tenait la sienne assez bas. Non plus entre les oreilles de son cheval mais hors la tête de celui-ci, au-dessus de l’œil senestre. Le bois prématurément couché pesait bon poids et sa dextre suante le serrait moins solidement que les fois précédentes.
    Les deux hampes se croisèrent. Celle de l’Anglais atteignit le bouclier aux tours d’argent alors que le fer adverse, heurtant Loring au milieu du sien, boutait l’homme hors de sa selle. Délivré de son fardeau, le puissant cheval hennit et rua de plaisir.
    « Il m’a empoint 126  ! »
    Tristan se sentait l’épaule lourde, douloureuse. Bien qu’il en eût relevé la visière, son bassinet, fixé au colletin, lui interdisait une bonne vue sur sa spallière. Le tronçon de sa lance, en glissant violemment sous l’aisselle, avait chauffé celle-ci aussi intensément qu’une poignée de braise. Il semblait que la rupture n’étant pas franche, une écharde assez grosse eût perforé la chair.
    « Je l’ai eu ! »
    Bien qu’il se fût maintenu en selle, il se sentait branlant, amoindri, apeuré. La douleur persistait. Il ne pouvait l’apprivoiser. Il savait qu’il éprouverait

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