Le pays de la liberté
qui s'appelle le yam Mais je n'en ai jamais vu ici.
- Tu parles bien anglais.
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- «a fait près de quarante ans que je suis ici. ª Une expression d'amertume passa sur son visage. ´Je n'étais qu'un gamin quand ils m'ont volé. ª
Mack pensait à Peg et à Cora. ÍI y avait deux personnes sur le bateau avec moi, une femme et une petite fille, dit-il. Est-ce que j'arriverai à
savoir qui les achetées ? ª
Kobe eut un rire sans joie. ´Tout le monde essaie de trouver quelqu'un qui a été acheté par quelqu'un d'autre. Les gens demandent tout le temps. quand des esclaves se rencontrent, sur la route ou dans les bois, ils ne parlent que de ça.
- L'enfant s'appelle Peg, insista Mack. Elle n'a que treize ans. Elle n'a ni mère ni père.
- Une fois que tu as été acheté, plus personne n'a de père ni de mère. ª
Kobe avait renoncé, Mack le comprit. Il s'était habitué à sa condition d'esclave et avait appris à vivre avec. Il était amer, mais il avait abandonné tout espoir de liberté. Je jure de ne jamais faire ça, se dit Mack.
Ils marchèrent environ quatre lieues. Ils n'allaient pas vite. Sowerby, le régisseur, était à cheval, mais jl ne semblait pas pressé et, tout en chevauchant, il buvait à petites gorgées d'une liqueur contenue dans une flasque.
Le paysage ressemblait plus à l'Angleterre qu'à l'Ecosse et n'était pas aussi différent que Mack s'y attendait. La route suivait le fleuve au lit rocailleux qui serpentait à travers une forêt luxuriante. Mack aurait bien voulu s'allonger un moment à l'ombre de ces grands arbres.
Il se demanda s'il allait bientôt voir la stupéfiante Lizzie. Il éprouvait une vive amertume d'être de nouveau la propriété d'un Jamisson, mais la présence de la jeune femme serait une consolation. Contrairement à son beau-père, elle n'était pas cruelle même si elle pouvait être irréfléchie.
Ses façons peu orthodoxes et la vivacité de son caractère faisaient le ravis-310
sèment de Mack. Et puis elle avait un sens de la jus tice qui lui avait sauvé la vie jadis et qui pourrait biei se manifester de nouveau.
Il était midi quand ils arrivèrent à la plantatioi Jamisson. Un sentier traversait un verger o˘ broutai du bétail pour aboutir à un enclos boueux o˘ se dres saient une douzaine de cabanes. Deux vieille femmes noires faisaient la cuisine sur des feux e quatre ou cinq enfants nus jouaient dans la pous sière. Les cabanes étaient grossièrement b‚ties ave< des planches à peine dégrossies et, s'il y avait de volets aux fenêtres, il n'y avait pas de vitre.
Sowerby échangea quelques mots avec Kobe e disparut.
´Voici vos cases, annonça Kobe aux forçats.
- Est-ce qu'il faut qu'on vive avec les négros? demanda quelqu'un.
Mack éclata de rire. Après huit semaines dans l'en fer du Rosebud, c'était un miracle de pouvoir si plaindre de la façon dont on était logé.
´ Blancs et Noirs vivent dans des cases séparées précisa Kobe. Il n'y a pas de loi là-dessus, mais çj semble toujours se passer comme ça. Chaque cabam abrite six personnes. Avant de nous reposer, nou avons encore une corvée.
Venez avec moi. ª
Ils suivirent un chemin qui serpentait entre de champs de blé vert, de hauts plants de maÔs qui pous saient entre les tertres et d'odorants plants de tabac Dans tous les champs, hommes et femmes étaient ai travail : désherbant entre les rangées et arrachant le vers sur les feuilles de tabac.
Ils débouchèrent sur une vaste pelouse et graviren une côte jusqu'à une grande maison en planches ui peu délabrée, dont la peinture ternie s'écaillait. Le volets étaient fermés : sans doute Mockjack Hall.
Contournant la maison, ils arrivèrent devant ui groupe d'appentis édifiés derrière. L'une de1 constructions était une forge. Un Noir auquel Kobi s'adressa en l'appelant Cass travaillait là: il entrepri 31
de briser les fers qui entravaient les jambes des forçats.
Mack les regarda se faire désenchaîner l'un après l'autre. Il éprouvait un sentiment de libération, même s'il savait que cela ne reposait sur rien.
De l'éminence o˘ se dressait la maison, il apercevait à un demi-mille de là
les eaux étincelantes du Rappahannock, qui serpentait au milieu des bois.
quand on m'aura ôté mes chaînes, je pourrais très bien me précipiter jusqu'au fleuve, se dit-il : je pourrais sauter à l'eau, le traverser à la nage et tenter de m'échapper.
Il allait devoir se maîtriser. Il était encore si
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