Le pays de la liberté
coucher ?
- Non, je ne crois pas.
- Il est toujours en bas ?
- Je crois qu'il est sorti. ª
Lizzie regarda le joli visage de la servante. Il y avait dans son expression quelque chose de déconcertant. ´ Mildred, tu me caches quelque chose ? ª
Mildred était jeune - dans les dix-huit ans - et elle ne savait pas mentir.
Elle détourna les yeux. Ńon, Mrs. Jamisson. ª
Lizzie était s˚re qu'elle ne lui disait pas la vérité. Mais pourquoi ?
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Mildred se mit à brosser les cheveux de Lizzie. Celle-ci se demandait o˘
Jay avait bien pu aller. Il sortait souvent après le souper. Tantôt il disait qu'il allait faire une partie de cartes ou assister à un combat de coqs. Tantôt, il ne disait rien du tout. Elle supposa qu'il était allé
boire du rhum dans une taverne avec d'autres hommes. Mais, si ce n'était que cela, Mildred l'aurait dit. Lizzie envisagea une alternative.
Y avait-il une autre femme dans la vie de son mari?
Une semaine plus tard, il n'était toujours pas venu lui rendre visite dans sa chambre.
Elle devint obsédée par l'idée qu'il avait une aventure. La seule personne à qui elle pouvait penser, c'était Suzy Delahaye. Elle était jeune et jolie, et son mari était toujours en voyage : comme beaucoup de Virginiens, il avait la passion des courses de chevaux et il passait fréquemment deux ou trois jours sur les routes pour en voir une. Jay quittait-il furtivement la maison après le dîner pour aller à cheval jusque chez les Delahaye et se glisser dans le lit de Suzy ?
Elle se dit qu'elle se faisait des idées, mais cette pensée la hantait.
La septième nuit, Lizzie regarda par la fenêtre de sa chambre et elle vit se déplacer sur la pelouse plongée dans l'obscurité la flamme vacillante d'une lanterne.
Elle décida de la suivre.
Il faisait nuit, il faisait froid, mais elle ne prit pas le temps de s'habiller. Elle s'empara d'un ch‚le et le jeta sur ses épaules tout en dévalant l'escalier.
Elle se glissa hors de la maison. Les deux lévriers qui dormaient sur le perron levèrent vers elle un regard intrigué. ´Viens, Roy, viens, Rex!ª
dit-elle. Elle se mit à courir sur la pelouse, en suivant la lueur de la lanterne, les chiens sur ses talons. Bientôt la lumière disparut dans les bois, mais elle était alors
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assez près pour s'apercevoir que Jay - si c'était bien lui - avait pris le sentier qui menait au hangar à tabac et au logement du régisseur.
Peut-être Lennox avait-il un cheval tout sellé pour emmener Jay jusque chez les Delahaye. Lizzie le sentait, Lennox d'une façon quelconque trempait dans cette histoire : chaque fois que Jay agissait mal, cet homme était impliqué.
Elle ne revit pas la lanterne, mais elle trouva facilement les petites maisons. Il y en avait deux. Lennox en occupait une. L'autre était celle de Sowerby et elle était maintenant vacante.
Mais il y avait quelqu'un à l'intérieur.
On avait mis les volets aux fenêtres pour protéger la maison du froid, et de la lumière filtrait par les fentes.
Lizzie s'arrêta en espérant que les battements de son cúur allaient se calmer : c'était la peur, non pas l'épuisement, qui le faisait battre si fort. Elle redoutait ce qu'elle allait découvrir à l'intérieur. L'idée de trouver Jay prenant Suzy Delahaye dans ses bras comme il l'avait étreinte, elle, et l'embrassant avec ces lèvres que Lizzie avait baisées, tout cela la rendait folle de rage. Elle songea même à revenir sur ses pas. Mais ce serait pire que tout de ne rien savoir.
Elle essaya la porte. Le verrou n'était pas mis. Elle ouvrit et entra.
Il y avait deux pièces. La cuisine, sur le devant, était déserte : en revanche, elle entendait une voix étouffée venant de la chambre au fond. …
taient-ils déjà au lit? Elle s'avança à pas de loup jusqu'à la porte de la pièce, saisit la poignée, prit une profonde inspiration et l'ouvrit toute grande.
Suzy Delahaye n'était pas dans la chambre.
Mais Jay y était. Il était allongé sur le lit en chemise et en culotte, pieds nus et sans sa veste.
Au pied du lit se tenait une esclave.
Lizzie ne connaissait pas le nom de la fille : c'était une des quatre que Jay avait achetées à Williams-387
burg. Mince et très belle, avec de doux yeux bruns, elle avait à peu près l'‚ge de Lizzie. Elle était complètement nue et Lizzie pouvait voir ses seins dont la pointe brune se retroussait fièrement, et la toison noire et bouclée entre ses jambes.
Comme Lizzie la
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