Le pays de la liberté
cinq mois. Elle ne s'était pas reposée autant qu'on le lui conseillait. Et elle avait fait quatre lieues dans le cabriolet, pressant Mack 380
d'aller de plus en plus vite, la nuit même o˘ le bébi était mort-né.
Elle en voulait à Jay d'être parti de la maison ci soir-là. Au docteur Finch d'avoir refusé de se déran ger pour une esclave. Et à Mack de lui avoir obéi e conduit trop vite. Mais surtout, elle s'en voulait ; ellemême. Elle se détestait et se méprisait d'avoi été une future mère aussi peu à la hauteur, elle si reprochait son caractère impulsif et impatient.
Si ji n'étais pas comme cela, songea-t-elle, si j'étais quel qu'un de normal, de raisonnable et de prudent aujourd'hui j'aurais une petite fille.
Elle ne pouvait pas en discuter avec Jay. Tou d'abord, il avait été
furieux. Il s'en était pris à Lizzie avait juré d'abattre le docteur Finch et menacé de fain fouetter Mack. Mais sa rage s'était dissipée quand i avait appris que le bébé était une fille : il se comportai maintenant comme si Lizzie n'avait jamais éti enceinte.
Pendant quelque temps, elle parla à Mack. L'épi sodé de la naissance les avait rapprochés. Il l'avai enveloppée dans son manteau, il lui avait tenu le: genoux et lui avait tendrement tendu le malheureu; bébé. Au bout de quelques semaines, elle le sentit qu s'impatientait. Après tout, se dit-elle, ce n'était pa: son bébé à lui et il ne pouvait pas véritablement par tager son chagrin. Personne ne le pouvait. Elle s< replia donc sur ellemême.
Un jour, trois mois après l'accident, elle se rendi dans l'aile de la nursery, encore étincelante de pein ture fraîche, et resta là seule. Elle imaginait um petite fille dans un berceau, gazouillant gaiement 01 pleurant pour qu'on la nourrisse, vêtue de jolie; robes blanches et de petits chaussons tricotés, qui lu tétait le sein ou qu'on baignait dans une cuvette. Li vision était si intense que ses yeux s'emplirent d< larmes qui ruisselèrent sur son visage, sans aucur bruit.
Mack la trouva ainsi en entrant. ¿ la suite d'ur 381
orage, des débris étaient tombés dans la cheminée et il s'agenouilla devant l'‚tre pour les balayer. Il ne fit aucune remarque en la voyant pleurer.
´Je suis si malheureuseª, dit-elle.
Il ne s'interrompit pas dans son travail. ´«a ne vous avancera à rien, répondit-il d'un ton dur.
- Je m'attendais à plus de compassion de votre part, dit-elle d'une petite voix.
- Vous ne pouvez pas passer votre vie assise à pleurer dans la nursery.
Tout le monde meurt tôt ou tard. Les autres doivent continuer à vivre.
- Je n'en ai vraiment pas envie. qu'est-ce que j'ai dans la vie ?
- Lizzie, ne vous apitoyez pas comme ça sur vous-même : ça n'est pas dans votre nature. ª
Elle était horrifiée : personne ne lui avait parlé brutalement depuis l'accident. quel droit avait Mack de la rendre encore plus malheureuse ?
Íl ne faut pas me parler comme çaª, dit-elle.
Il la surprit en se retournant vers elle. L‚chant son balai, il l'empoigna par les deux bras et l'obligea à se lever. ´Vous n'allez pas me parler de mes droitsª, lança-t-il.
Il était si furieux qu'elle craignit un geste violent de sa part. ´Laissez-moi tranquille.
- Trop de gens vous laissent tranquilleª, dit-il. Mais il la l‚cha quand même.
´ qu'est-ce que je suis censée faire ? demanda-t-elle.
- Tout ce que vous voudrez. Prenez un bateau pour rentrer au pays et allez vivre avec votre mère à Aberdeen. Ayez une histoire d'amour avec le colonel Thumson. Enfuyez-vous jusqu'à la frontière avec un bon à rien. ª II s'arrêta et la regarda durement. Óu alors... résignez-vous à être une épouse pour Jay et ayez un autre enfant. ª
Cela la surprit. ´Je croyais...
- qu'est-ce que vous croyiez ?
- Rien. ª Elle savait depuis quelque temps qu'il était un peu amoureux d'elle. Après la soirée man-382
quée pour les ouvriers de la plantation, il l'avaii effleurée tendrement et l'avait caressée d'une façor qui ne pouvait être que tendre. Il avait embrassé sui son visage les larmes br˚lantes. II y avait dans sor étreinte plus que de la simple pitié.
Et dans la réaction qu'elle avait, il y avait plus que le besoin de compassion. Elle s'était cramponnée à son corps musclé, elle avait savouré
le contact des lèvres de Mack sur sa peau et ce n'était pas simplement parce qu'elle s'apitoyait sur son sort.
Mais, depuis l'épisode du bébé, tous ces sentiments
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