Le pays des grottes sacrées
qu’on récupérait facilement. La tige séchée provenant de la
cueillette de l’année précédente servait à allumer un feu quand on la faisait
rouler entre ses paumes, l’extrémité tournant sur une surface adéquate.
Ayla posa son panier de
cueillette sur le sol sec, tira de sa ceinture son bâton à fouir taillé dans un
bois de cerf et s’engagea dans le marais. Avec ses mains et son bâton, elle
creusa la boue sur une dizaine de centimètres et déterra les longs rhizomes de
plusieurs joncs. Le reste de la plante vint avec, y compris les pousses
attachées à la racine et les épis verts épais d’un pouce et longs de six ;
elle avait l’intention de préparer les uns et les autres pour le repas du soir.
Elle entoura le tout d’un morceau de corde afin de pouvoir le porter plus
aisément et retourna vers l’étendue d’herbe.
En passant près d’un frêne, elle
se rappela qu’on en trouvait beaucoup dans le pays des Sharamudoï mais aussi
dans la Vallée des Bois. Elle songea à faire cuire des samares à la façon des
Sharamudoï, mais ce fruit à ailette devait être cueilli quand il était jeune et
craquant, pas filandreux, et ceux qu’elle voyait étaient déjà trop avancés.
L’arbre avait cependant de nombreuses qualités médicinales.
Parvenue au pré, elle s’alarma
aussitôt. Debout près du bébé, Loup fixait un point dans l’herbe haute avec un
grondement menaçant.
13
Elle pressa le pas en direction
de l’enfant qui, réveillée et inconsciente du danger que le loup semblait
sentir, s’était tournée sur le ventre et se soulevait pour regarder autour
d’elle.
Ayla ne voyait pas ce que
l’animal fixait mais elle entendit des grognements. Elle posa par terre le
panier et les joncs, attacha son bébé dans son dos avec la couverture. Puis
elle desserra les lacets du sac spécial dans lequel elle portait deux ou trois
pierres rondes et défit la fronde enroulée autour de sa tête : il n’aurait
servi à rien d’utiliser une sagaie sans avoir de cible visible, mais une pierre
lancée dans la direction générale indiquée par Loup pouvait faire déguerpir
l’animal menaçant.
Ayla lança une pierre, suivie
d’une autre. La seconde toucha quelque chose avec un bruit sourd et la bête
poussa un cri. Ayla décela un mouvement dans l’herbe. Penché en avant, Loup
geignait, impatient de s’élancer.
— Va, lui dit-elle, faisant
en même temps de la main le signe correspondant.
Loup partit en courant. Ayla
rattacha la fronde autour de son front, tira le propulseur de son carquois et
tendit la main vers une sagaie, tout en avançant elle aussi. Lorsqu’elle
rejoignit Loup, il faisait face à un animal de la taille d’un ourson mais
beaucoup plus dangereux. La fourrure brune barrée d’une bande plus claire
courant sur les flancs jusqu’à la partie supérieure d’une queue touffue était
celle d’un glouton. Ayla avait déjà affronté le plus gros membre de la famille
des fouines et l’avait vu s’emparer de proies tuées par des carnivores bien
plus gros que lui. Les carcajous étaient des prédateurs voraces capables
d’avaler des quantités de nourriture incroyables pour un animal de leur taille,
ce qui leur avait valu leur autre nom, et ils semblaient tuer par plaisir quand
ils n’avaient pas faim. Loup était prêt à défendre Ayla et sa fille mais un
glouton pouvait infliger une grave blessure, voire pire, à un loup solitaire.
Mais Loup n’était pas seul, Ayla faisait partie de sa meute.
Avec sang-froid, elle posa une
sagaie sur le propulseur et la lança sans hésiter mais, au même instant,
Jonayla poussa un cri qui alerta le glouton. L’animal perçut le mouvement
rapide de la femme au dernier moment et fit un écart. Il serait peut-être sorti
totalement de la trajectoire de la sagaie s’il n’avait dû concentrer la presque
totalité de son attention sur Loup. Le projectile s’enfonça dans le train
arrière du glouton, lui portant une blessure qui n’était pas immédiatement
mortelle. La pointe de silex attachée à un morceau de bois pointu fixé au bout
d’une hampe plus longue s’en sépara comme elle était censée le faire.
Le carcajou se réfugia dans les
broussailles avec cette pointe fichée en lui mais Ayla ne pouvait en rester là,
elle devait l’achever. Elle ne voulait pas qu’il souffre inutilement. En outre,
le glouton étant déjà féroce en temps normal, à quels ravages ne se
livrerait-il pas, affolé
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