Le pays des grottes sacrées
sagaie dans les fesses ou même dans
le bas du dos n’est pas fatale. Peut-être avait-on cherché à représenter une
douleur dans le dos aussi vive qu’un coup de sagaie.
Elle secoua la tête : elle
aurait beau avancer des hypothèses, elle ne connaîtrait jamais la véritable
explication.
— Qu’est-ce que ces traits
signifient ? demanda-t-elle au Zelandoni local en indiquant la forme
humaine.
— Tout le monde se pose la
question, personne ne sait. Cette image a été peinte par les Ancêtres.
Il se tourna vers la Première.
— Tu connais la
réponse ?
— On n’en fait pas mention
dans les Histoires et Légendes Anciennes mais je peux au moins dire ceci :
le sens de toutes les images d’un lieu sacré est rarement évident. Tu as
toi-même appris, en pénétrant dans le Monde des Esprits, que les créatures
diffèrent souvent de ce qu’elles paraissent. La plus violente peut être
amadouée, la plus féroce peut être douce. Nous n’avons pas besoin de connaître
la signification de cette image. Nous savons déjà qu’elle était importante pour
celui qui l’a mise là, sinon elle n’y serait pas.
— Mais les gens veulent
savoir, objecta le jeune homme. Ils font des suppositions, ils se demandent si
elles sont vraies.
— Les gens devraient savoir
qu’on n’obtient pas toujours ce qu’on désire, répondit la femme mafflue.
— J’aimerais quand même
pouvoir leur dire quelque chose…
— Je viens de te dire
quelque chose. C’est suffisant.
Ayla se félicitait de ne pas
avoir posé elle-même la question, comme elle en avait eu l’intention. La
Première répétait souvent que n’importe qui pouvait lui poser n’importe quelle
question, mais Ayla avait déjà remarqué que son maître ridiculisait parfois la
personne qui s’y risquait. L’idée vint à l’acolyte que c’était peut-être parce
qu’elle ne connaissait pas la réponse mais que, en qualité de Première, elle ne
pouvait reconnaître son ignorance. Si elle s’en tirait parfois par une
dérobade, elle ne mentait jamais. Tout ce qu’elle disait était vrai.
Ayla non plus ne mentait jamais.
Les enfants du Clan apprenaient très tôt que leur façon de communiquer rendait
le mensonge quasi impossible. Lorsqu’elle était retournée chez ceux de son
espèce, elle avait remarqué qu’ils mentaient parfois et qu’ils avaient du mal à
se souvenir de leurs mensonges. Elle en avait conclu que mentir causait
finalement plus d’ennuis que de bienfaits. La Première avait trouvé un moyen
d’échapper à certaines questions en amenant ceux qui les posaient à
s’interroger sur leur pertinence. Ayla détourna la tête et sourit en songeant
qu’elle venait peut-être de découvrir quelque chose d’important sur sa
puissante aînée.
Elle ne se trompait pas. La
Première la vit tourner la tête et surprit l’ébauche de sourire que son acolyte
avait tenté de cacher. Elle en devina la raison et fut satisfaite. Le jour
viendrait peut-être où Ayla devrait recourir à des stratagèmes semblables.
Ayla reporta son attention sur la
paroi. Le jeune Zelandoni s’était avancé pour éclairer de sa torche le panneau
suivant, qui comportait deux chèvres et des points. Plus loin, il y avait deux
autres chèvres, des points et des lignes courbes. Animaux, points et traits
étaient parfois en rouge, parfois en noir. Les visiteurs sortirent de la niche.
Sur la paroi opposée, sept traits partaient d’une forme vaguement humaine.
C’était une représentation sommaire : deux jambes, deux bras très courts,
une tête difforme, tracés en noir. Ayla eut envie de demander ce qu’elle
signifiait mais la Première ne le savait probablement pas, même si elle pouvait
faire quelques suppositions à ce sujet. Elles en parleraient plus tard. Il y
avait aussi dans cette partie de la grotte quatre mammouths rouges, très simplifiés,
parfois seulement esquissés, juste de quoi identifier l’animal, ainsi que des
cornes de chèvre et d’autres points.
— Placez-vous au milieu de
la salle, recommanda le Zelandoni, vous verrez toute la paroi si ceux qui
portent les lampes restent près d’elle.
Ils prirent la position indiquée
dans un brouhaha de murmures et de raclements de gorge, mais bientôt tous se
turent en contemplant à distance ce qu’ils avaient regardé de près. En voyant
ces images ensemble, ils commencèrent à sentir la puissance mystique qu’elles
donnaient à la roche nue. Un instant, dans la
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