Le pays des grottes sacrées
n’ai pas
voulu dire ça, bredouilla Jemoral.
— Je suis ravie de
l’entendre, car les enfants ne peuvent pas appartenir à quelqu’un. Ni à toi ni
à ta compagne. Ils n’appartiennent à personne. Si nous avons des enfants, c’est
pour les aimer, nous occuper d’eux, pourvoir à leurs besoins, leur apprendre
des choses, comme la Mère le fait pour nous, et cela dans tous les cas, qu’ils
proviennent de ton essence ou de celle d’un autre homme. Nous sommes tous les
enfants de la Grande Terre Mère, et nous recevons Son enseignement.
Rappelle-toi cette strophe du Chant de la Mère :
Femme et Homme la Mère enfanta
Et pour demeure Elle leur donna la Terre,
Ainsi que l’eau, le sol, toute la création,
Pour qu’ils s’en servent avec discernement.
Ils pouvaient en user, jamais en abuser.
Plusieurs membres de la
Zelandonia reprirent avec la Première le dernier vers, et tous
poursuivirent :
Aux Enfants de la Terre, la Mère accorda
Le Don de Survivre, puis Elle décida
De leur offrir celui des Plaisirs,
Qui honore la Mère par la joie de l’union.
Les Dons sont mérités quand la Mère est honorée.
— Elle pourvoit à nos
besoins, veille sur nous, nous prodigue Son enseignement ; et en retour de
Ses dons, nous L’honorons, poursuivit la Première. Le Don de la Connaissance de
la Vie accordé par Doni ne l’a pas été pour te permettre d’être le propriétaire
des enfants nés à ton foyer, et de prétendre qu’ils t’appartiennent. Elle nous
l’a accordé afin que nous sachions que les femmes ne sont pas les seules à en
avoir été gratifiées. Les hommes ont un rôle qui est aussi important que celui
des femmes. Ils ne sont pas là juste pour pourvoir à leurs besoins et pour leur
venir en aide, ils leur sont indispensables. Sans les hommes, il n’y aurait pas
d’enfants. Cela ne te suffit-il pas ? Tes enfants doivent-ils absolument
être les tiens ? Dois-tu en être propriétaire ?
Les jeunes hommes du groupe
échangèrent des coups d’œil penauds, mais Zelandoni n’était pas certaine qu’ils
aient vraiment compris la leçon. Une jeune femme prit alors la parole :
— Et avant ? Nous
connaissons nos mères et nos grand-mères. Je suis la fille de ma mère, mais
qu’en est-il des hommes ?
Le visage de l’intervenante
n’évoqua rien sur le coup à Zelandoni mais, par réflexe, l’esprit acéré de la
Première se mit en branle pour la situer. Elle était assise avec le groupe de
la Vingt-Troisième Caverne et tant les motifs que la coupe de sa tunique
indiquaient qu’elle en était membre et se tenait au milieu de ses amis. Bien
que sa tenue la désignât comme une femme et non comme une fille, elle n’en
était pas moins à l’évidence très jeune. Elle venait sans doute de subir ses
Premiers Rites, estima la doniate. Pour prendre ainsi la parole à un âge aussi
tendre au milieu d’une foule importante, il fallait qu’elle soit téméraire et pleine
d’impétuosité, ou courageuse et habituée à se trouver en compagnie de gens
n’hésitant pas à s’exprimer librement, ce qui sous-entendait un comportement de
chef. Le chef de la Vingt-Troisième Caverne était une femme du nom de Dinara.
Zelandoni se souvint alors que la fille aînée de cette dernière faisait partie
des jeunes filles ayant subi leurs Premiers Rites cette année, et elle remarqua
que Dinara souriait à la jeune femme. C’est alors que le nom de celle-ci lui
revint en mémoire.
— Rien n’a changé, Diresa,
dit la Première. Les enfants ont toujours été le résultat de l’union d’un homme
et d’une femme. Ce n’est pas parce que nous l’ignorions jusqu’à présent que ça
n’a pas toujours été le cas. Doni a tout simplement choisi de nous le faire
savoir maintenant. Elle a dû estimer que nous étions prêts à recevoir cette
nouvelle. Sais-tu qui était le compagnon de ta mère quand tu es née ?
— Bien sûr, tout le monde le
sait. C’est Joncoran, répondit la jeune femme.
— Eh bien alors, Joncoran
est ton père, dit Zelandoni, qui avait attendu l’occasion favorable pour
annoncer le mot qui avait été choisi. « Père » est le nom que l’on
donne à l’homme qui a des enfants. Pour qu’une vie commence, un homme est
indispensable, ce n’est certes pas lui qui porte le bébé dans son ventre, qui
lui donne naissance ou qui l’allaite, mais il est capable de l’aimer autant que
sa mère. C’est un père . Ce mot a été
Weitere Kostenlose Bücher