Le pays des grottes sacrées
passer un moment
avec lui. Et jamais il n’avait appris non plus à gérer une rupture qui n’était
pas de son fait, la colère d’une femme, ou ses propres erreurs. Et personne ne
pouvait s’imaginer qu’un homme aussi manifestement doué pût ignorer à ce point
ce genre de chose.
Quand quelque chose ne tournait
pas rond, la réaction de Jondalar consistait à se replier sur lui-même, en
lui-même, à essayer de maîtriser ses sentiments en espérant que tout cela se
réglerait tout seul. Qu’on finirait par lui pardonner, qu’on excuserait ses
bourdes. Et c’était d’ailleurs ainsi que tout se terminait, le plus souvent.
Aussi n’avait-il pas su quoi faire quand Ayla l’avait surpris avec Marona, or
Ayla elle-même n’était guère plus douée pour traiter ce genre de situation.
Depuis l’époque où, à l’âge de
cinq ans, elle avait été découverte par le Clan, elle s’était toujours efforcée
de s’adapter, de se faire accepter pour qu’on ne la rejette pas. Ceux du Clan
ne pleuraient pas sous le coup de l’émotion, et comme ses larmes les
troublaient beaucoup, elle avait appris à les réprimer. Ceux du Clan étaient
incapables de montrer leur colère, leur douleur ou d’autres sentiments forts,
cela n’était pas considéré comme convenable, elle avait donc appris à les
refouler. Afin d’être une digne représentante du Clan, elle avait appris ce que
l’on attendait d’elle et s’était efforcée de se comporter comme elle était
censée le faire. Elle avait essayé de faire la même chose chez les Zelandonii.
Mais là, elle ne savait plus
comment agir. Il lui semblait évident qu’elle n’avait pas bien appris à devenir
une digne représentante des Zelandonii. Les gens étaient troublés par son
comportement, certains la détestaient, et Jondalar ne l’aimait plus. Il l’avait
soigneusement ignorée et elle avait essayé de le provoquer pour qu’il réagisse
à son égard, mais son agression brutale sur la personne de Laramar l’avait
totalement prise au dépourvu et elle avait le sentiment qu’elle en était sans
l’ombre d’un doute responsable. Lorsqu’ils vivaient chez les Mamutoï, elle
avait vu en lui un être capable de compassion, d’amour, et de maîtrise de soi.
Elle croyait bien le connaître, et voilà qu’elle avait désormais la conviction
que ce n’était pas du tout le cas. Grâce à la seule force de sa volonté, elle
avait essayé de présenter l’apparence d’un semblant de normalité, mais elle en
avait assez de rester éveillée pendant toutes ces nuits, trop préoccupée, trop
triste, trop furieuse pour trouver le sommeil. Tout ce dont elle avait besoin
désormais, c’était d’être au calme et de se reposer.
Peut-être Zelandoni s’était-elle
montrée un peu trop intéressée par les vertus de cette racine du Clan, sans
quoi elle aurait fait preuve d’un peu plus de perspicacité, mais il est vrai
qu’Ayla avait toujours été un cas à part : elles n’avaient pas assez de
références communes, leurs origines, leur milieu étaient par trop différents.
Au moment précis où elle pensait être vraiment en mesure de comprendre la jeune
femme, elle commençait à comprendre qu’elle en était peut-être loin.
— Je ne veux surtout pas
t’ennuyer avec cela si tu estimes que cela n’en vaut pas la peine, Ayla,
dit-elle, mais si tu pouvais me donner quelques précisions sur la façon de
préparer cette racine, nous pourrions mettre au point une petite expérience.
Juste histoire de voir si cela peut se révéler de quelque utilité. Pour
l’information de la Zelandonia, et d’elle seule, bien sûr. Qu’en dis-tu ?
Dans l’état de trouble où se
trouvait Ayla, même le néant obscur, pourtant si terrifiant, lui apparaissait
soudain comme un endroit paisible, un lieu où trouver refuge, loin de toute
l’agitation ambiante. Et si elle était incapable de revenir, quelle différence
cela pourrait-il faire ? Jondalar ne l’aimait plus. Sa fille lui
manquerait – Ayla sentit ses entrailles se nouer –, mais elle se
dit aussitôt que Jonayla se trouverait probablement beaucoup mieux sans elle.
La fillette regrettait l’absence de Jondalar. Si elle n’était plus là, celui-ci
reviendrait et s’occuperait de nouveau d’elle. Et d’ailleurs, il y avait
énormément de gens qui l’aimaient et sauraient prendre soin d’elle.
— Ce n’est pas bien
compliqué, Zelandoni, dit-elle. Pour l’essentiel, cela
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