Le pays des grottes sacrées
Ayla. Même si c’est un voyage que tu entreprends plusieurs fois, tu
ne peux jamais savoir si tu parviendras à revenir sur tes pas.
Ayla sanglotait sans bruit, les
larmes luisant sur ses joues.
— Il est bon que tu te
laisses enfin aller. Tu t’es trop longtemps retenue, or tu as besoin de faire
le deuil de ce bébé, expliqua la doniate.
Elle se leva et alla vers
l’arrière de l’abri, là où étaient entreposées les peaux utilisées comme
bandages. Elle en prit quelques-unes et revint.
— Tiens, dit-elle en tendant
à Ayla les bandelettes.
Ayla s’essuya les yeux et le nez,
inspira profondément pour essayer de se calmer puis avala une gorgée de
l’infusion maintenant tiédasse que lui avait resservie la Première, s’obligeant
à reprendre le contrôle d’elle-même. La perte de son bébé n’avait pas été
l’unique raison de cette crise de larmes, même si elle en avait été le
catalyseur. Non, elle avait tout simplement l’impression d’être incapable de
faire quoi que ce soit de bien : Jondalar avait cessé de l’aimer, les gens
la détestaient et elle s’était montrée si négligente qu’elle en avait perdu son
bébé. Elle avait certes entendu ce que venait de lui dire Zelandoni, mais elle
n’avait pas tout saisi et, de toute manière, cela ne modifiait en rien ce
qu’elle ressentait.
— Peut-être comprends-tu
maintenant pourquoi je m’intéresse tant à ces racines dont tu m’as parlé,
reprit la Première. À condition que l’expérience soit surveillée et contrôlée
avec le plus grand soin, nous disposons peut-être d’un autre moyen efficace et
utile nous permettant d’atteindre le Monde d’Après quand nous en avons besoin,
grâce au mélange de ce sachet ainsi qu’à d’autres herbes dont nous nous servons
quelquefois.
Ayla ne réagit pas immédiatement
à ces paroles. Lorsque celles-ci parvinrent enfin à son cerveau, elle se
rappela qu’elle n’avait plus jamais voulu expérimenter ces racines. Le Mog-ur
avait certes été en mesure de maîtriser les effets de cette puissante substance,
mais elle avait la certitude qu’elle n’en serait pas capable, convaincue que
seul le pourrait un esprit originaire du Clan, avec ses caractéristiques
uniques, et disposant surtout de la mémoire du Clan. Elle ne pensait pas que
quiconque né au sein des Autres pourrait être en mesure de contrôler le néant
obscur, quelles que soient les précautions dont on entourerait l’expérience.
Elle savait que la Première était
fascinée. Mamut lui aussi avait été intrigué par les plantes spéciales dont
seuls usaient les Mog-ur du Clan, mais après la périlleuse expérience qu’ils
avaient entreprise tous les deux, il avait juré de ne plus jamais y recourir.
Il avait avoué à Ayla qu’il avait eu peur de perdre son âme dans ce néant
obscur et paralysant, et lui avait vivement conseillé de ne plus les utiliser.
Le fait d’avoir revécu ce voyage terrifiant dans cet endroit inconnu, lourd de
menaces, alors qu’elle se trouvait au plus profond de la grotte, et de se
l’être rappelé avec une telle précision durant son initiation, rendait ce
souvenir trop proche et d’autant plus troublant qu’elle savait que celui-ci,
aussi perturbant soit-il, n’avait que peu de rapports avec ce qu’elle avait
vécu en réalité.
Dans l’état d’esprit qui était en
ce moment le sien, plongée dans le désespoir le plus noir, elle n’avait plus
les idées claires. Elle avait sans doute eu tout le temps nécessaire pour
recouvrer toute sa maîtrise, mais il lui était arrivé trop de choses trop
vite : la terrible épreuve qu’elle avait endurée lorsqu’elle avait été appelée,
y compris la perte de son bébé, l’avait affaiblie tant physiquement que sur un
plan émotionnel. La douleur, la déception de trouver Jondalar en compagnie
d’une autre femme, la jalousie qu’elle en avait éprouvée avaient pris une
intensité particulière après ce qu’elle avait vécu dans la grotte, et la perte
qu’elle y avait subie. Elle avait attendu avec une telle impatience la caresse
de ses mains, la proximité de son corps, la possibilité de remplacer le bébé
qu’elle venait de perdre, la chaleur apaisante de son amour.
Au lieu de quoi, elle l’avait
retrouvé avec une autre femme, et pas n’importe laquelle, celle qui, méchamment
et en toute connaissance de cause, avait voulu la blesser lorsqu’elle était
arrivée à la Neuvième Caverne. Dans des
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