Le pays des grottes sacrées
laisser derrière lui et de s’enfuir, le plus loin possible, mais
quelque chose le retenait. Il se disait qu’il devrait au moins avoir le courage
d’affronter le châtiment qui allait lui être infligé, en tout cas de savoir en
quoi il allait consister, puis de faire amende honorable, si cela était encore
possible. Mais au fond de lui-même, il n’était pas sûr de pouvoir purement et
simplement abandonner Ayla et Jonayla. L’idée de ne plus jamais les voir, même
de loin, lui était insupportable.
La douleur, la culpabilité, le
désespoir s’entremêlaient dans son esprit : impossible de penser à quoi
que ce soit qui fût susceptible de lui permettre de remettre sa vie en ordre.
Chaque fois qu’il croisait quelqu’un, il était sûr qu’on le regardait avec le
même sentiment de dégoût et de mépris qu’il éprouvait envers lui-même. Mais
s’il s’en voulait autant, c’était en bonne partie parce que même s’il savait
qu’il s’était comporté de façon méprisable, et même si la honte le submergeait,
chaque fois qu’il fermait les yeux pour essayer de trouver le sommeil, il ne
cessait de voir Laramar besognant Ayla, et alors il ressentait la même bouffée
de fureur et de frustration qui l’avait assailli sur le moment. Il savait, au
plus profond de lui-même, qu’il se comporterait de la même façon dans des
circonstances identiques.
Impossible de penser à autre
chose qu’à ses propres problèmes : ceux-ci ne cessaient de le tourmenter,
comme une perpétuelle démangeaison, une plaie que l’on ne peut s’empêcher de
gratter, sans lui laisser la moindre chance de cicatriser, au point de la faire
empirer, encore et encore, jusqu’à ce qu’elle se transforme en infection
généralisée.
Afin d’éviter le plus possible
les rencontres, il s’était mis à faire de longues marches, le plus souvent sur
les bords de la Rivière, en général vers l’amont. Chaque nouvelle promenade
l’entraînait un peu plus loin, durait un peu plus longtemps, même s’il y avait
toujours un moment où il se sentait obligé de s’arrêter, de faire demi-tour et
de rentrer au campement. Parfois, il lui arrivait d’aller retrouver Rapide et,
plutôt que de marcher au bord de la rivière, de le monter et de galoper dans
les vastes prairies. Il résistait à la tentation de prendre son cheval trop
souvent car c’est alors qu’il était le plus tenté de partir loin, très loin.
Trop loin.
Dès qu’elle se sentit bien
éveillée, Ayla se leva et alla à la Rivière. Elle avait mal dormi, d’abord trop
nerveuse et agitée pour pouvoir trouver le sommeil, puis tourmentée par des
rêves dont elle ne se souvenait pas très bien, mais qui l’avaient laissée mal à
l’aise. Elle passa en revue dans sa tête ce dont elle avait besoin pour que la
cérémonie du Clan se déroule au mieux, dans les formes. Tout en cherchant de la
saponaire pour se purifier, elle gardait l’œil ouvert, à l’affût d’un rognon de
silex ou même d’un éclat d’une taille raisonnable qui lui permettrait d’obtenir
un tranchoir à la manière du Clan. Elle s’en servirait pour couper un morceau
de cuir dans lequel elle se taillerait une amulette du Clan.
En arrivant au confluent du petit
ruisseau et de la Rivière, elle décida de remonter le ru vers l’amont. Après
une assez longue marche, elle tomba sur une touffe de saponaire, dans les bois
situés juste derrière le campement de la Neuvième Caverne. La saison étant
largement avancée, la plupart des plantes avaient déjà été arrachées et par
ailleurs il s’agissait d’une variété différente de celle qu’utilisaient ceux du
Clan. Or elle voulait absolument que le rituel soit respecté sinon à la lettre
du moins le mieux possible : dans la mesure où elle était une femme, ce ne
serait de toute manière jamais une cérémonie du Clan puisque seuls ses membres
mâles consommaient les racines. Le travail de la femme ne consistait qu’à les
préparer. En se penchant pour arracher les tiges de saponaire, elle crut
apercevoir Jondalar dans les bois, marchant au bord du petit ruisseau, mais
lorsqu’elle se releva il avait disparu, au point qu’elle se demanda si son
imagination ne lui avait pas joué un tour.
L’étalon était visiblement
content de voir Jondalar. Les deux juments l’étaient tout autant, mais c’était
d’une longue chevauchée en solitaire qu’il avait envie. Lorsqu’ils
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