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Le petit homme de l'Opéra

Le petit homme de l'Opéra

Titel: Le petit homme de l'Opéra Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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garçon d'honneur !
    — Agénor ne t'apprécie pas.
    — Il a bien tort, la preuve, ceux qui ne sont pas de mon côté, le Tout-Puissant les écrabouille.
    — Déguerpis, vermine, je te défends de poser tes sales pattes sur ma femme !
    Furieux, Agénor Féralès se dressait face au petit homme, prêt à le frapper. Maria couina, Melchior Chalumeau détala et, à distance respectueuse, hurla :
    — Prenez garde, l'Omnipotent vous abattra, l'un après l'autre, bande de marcassins !
    Puis il s'enfonça dans les taillis, fouettant d'une baguette rageuse les buissons d'où s'échappaient mulots et pigeons. Quand il eut parcouru une centaine de mètres, il se pencha et, serein ramassa un marron rabougri. Aucun événement, triste ou gai, n'était susceptible de l'importuner longuement.
    « Bah, ce n'est pas une perte ! Je suis en mesure d'éclairer les lanternes de quiconque m'en prierait. Personne n'a levé un doigt pour le tirer de la flotte ! Je suis apte à désigner les coupables, ne t'en déplaise, cher Omnipotent, car moi, je suis omniscient ! »
    — Melchior, avez-vous vu ce qui s'est passé ?
    Olga Vologda le dévisageait.
    — Non. Je suis arrivé pendant qu'on s'échinait à ranimer ce Tony.
    — Menteur, je vous ai aperçu sur la rive tandis que nous tentions de le tirer de là.
    — Le choc vous égare, ma chère, je me trouvais près de la cascade. Allons, remettez-vous, ce n'est qu'un accident.
    — Croyez-vous ?
    — Pourrait-il en être autrement ?
    Elle lui décocha un regard de défiance, mais l'expression de Melchior traduisait l'innocence. Il poursuivit :
    — Son ange gardien lui a faussé compagnie, c'était sa destinée de se noyer dans une flaque. À moins que...
    Olga ricana.
    — À moins que quoi ? Melchior, vous savez que vous me faites peur, je suis terrifiée.
    — Pourquoi monter sur vos grands chevaux ? Il ne vous était rien, ce Tony Arcouet, une friandise. Ma bonne Olga, il vous sied mal de jouer les biches effarouchées, auriez-vous un poids sur la conscience ?
    Elle se détourna avec nonchalance.
    — Il en subodore, des choses invraisemblables, notre petit bonhomme ! Allez vite me quérir un fiacre, Chalumeau, je veux rentrer chez moi.
    — Vos désirs sont des ordres, chère Olga.
    Melchior trottina jusqu'au restaurant.
    « Rentre chez toi, ma belle autruche, calfeutre-toi. »
    De son marron il visa un moineau qu'il manqua, éclata de rire et se figea, lèvres étirées sur un sourire sans qu'une once de gaieté égayât ses traits.

CHAPITRE IV
    Vendredi 26 mars
     
    Victor jubilait, il se prenait pour Lord David, pair d'Angleterre, qui dans L'Homme qui rit « aimait passionnément les exhibitions de carrefour, les tréteaux à parades, les clowns, les pasquins, les prodiges en plein vent ». Il tenait un sujet en or, qui alliait le travail des enfants et le spectacle forain. Les Célestin, ses amis lutteurs, l'avaient présenté à Mme Bonnefois. En 1892, cette femme remarquable avait accueilli dans sa roulotte douze petits saltimbanques des deux sexes qui venaient apprendre à lire. Le nombre des élèves s'était accru et avait bénéficié de l'aide d'institutrices. Des tentes-écoles se montaient et se démontaient à volonté de façon à suivre les familles de bateleurs dans leurs pérégrinations à travers Paris, les boulevards extérieurs et la banlieue. Bien que d'obédience catholique, les classes admettaient tous les cultes sans discrimination. En ce printemps 1897, deux cent sept élèves profitaient de leçons, subventionnées en partie par M. Buisson, directeur de l'éducation primaire. Les cours se poursuivaient au bruit des orgues et des cymbales, de la fête de Ménilmontant à celle de Vincennes.
    La foire s'organisait place du Trône, rebaptisée place de la Nation, à l'embranchement des anciens chemins de Montreuil, de Charonne et de la grande route de Vincennes, entre les deux colonnes que surplombaient les statues de saint Louis et de Philippe Auguste. Victor consacra la fin de la matinée à observer les ouvriers qui ravivaient les couleurs des animaux de manèges et des personnages naïfs décorant les baraques. Il se fit expliquer la mécanique des carrousels, donna un coup de main à ceux qui graissaient les engrenages. Il déjeuna en compagnie de l'homme-squelette, de la femme albinos, des Célestin et de leurs fils, puis il installa son trépied face à l'ossature d'une immense baraque où bientôt se produiraient des danseuses, des pitres, des

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